Dans ce cas… qu'est-ce que je vous prescris ?
Samedi 4 décembre 2010

Se réveiller 6 fois par jour, est-ce possible ?

Vous avez été nombreux à lire ou commenter l’interview de Thibault Vincent sur le site d’Olivier Roland « Des livres pour changer de vie ». Lors de son entretien, Thibault explique son choix d’expérimenter pendant un mois le sommeil polyphasique de type Uberman qui consiste à dormir uniquement par siestes de 20 minutes toutes les 4 heures. Avec cette méthode, il arrive à rester éveillé 22 heures sur 24 et ne se repose que 2 heures. Impressionnant ! et plutôt attirant pour tous ceux qui trouvent que le temps passe trop vite. Mais que peut bien penser votre médecin de tout ça ? Quelle sera la réaction et les arguments qu’il vous opposera si vous tentez d’aborder le sujet ? Car comme le dit Thibault avec beaucoup d’humour et de vérité, au début « votre cerveau va vous prendre pour un fou ! » et il ne sera pas le seul. Voici quelques éléments de réponse…

Ce que dira votre médecin :

Dans le domaine médical, les habitudes ont la vie dure. Les médecins n’aiment généralement pas beaucoup s’éloigner des sentiers battus ; alors leur dire que l’on ne dort que deux heures par jour ne va pas avoir pour effet de réveiller une flamme aventurière en eux. Ils ne pourront pas cautionner votre expérience sur vous-même car ils ignorent les effets qu’elle peut produire à long terme. En effet, aucune étude n’a été menée ou validée par les organismes médicaux officiels sur le sujet. Pour lui, vous dépendez de la privation de sommeil pure et simple et encourrez des risques, dont celui de voir :

  • Votre pression artérielle ou tension artérielle augmenter en raison du stress cellulaire engendré par le manque de sommeil.
  • Votre glycémie risque également d’augmenter ou taux de sucre dans le sang, ce qui équivaut à un dérèglement du fonctionnement de votre pancréas, voire à long terme, développer un diabète. Globalement le pancréas régule une partie de la digestion par le biais de plusieurs hormones dont l’insuline.
  • Votre sécrétion de cortisol peut également se retrouver perturbée. C’est une hormone qui peut avoir un rôle bénéfique ou délétère selon les conditions de vie. Elle s’occupe de nous réveiller le matin en augmentant mais peut aussi se transformer en « marqueur de stress chronique » de l’organisme si elle est sécrétée trop souvent, trop longtemps.
  • Vous aurez plus souvent faim (en raison de l’augmentation de la sécrétion de ghréline et de la diminution du taux de leptine) ce qui risque de vous amener à augmenter vos apports alimentaires avec un risque de prise de poids.
  • Vos capacités psychiques vont s’en ressentir avec difficultés de concentration, fatigue, sensation de semi-éveil, absence de dynamisme et risque de dépression. A un degré supérieur peuvent apparaître des maux de tête ou des vertiges ; reflets le plus souvent d’un surmenage psychique.
  • Enfin, plus spécialisé, certaines maladies comme l’épilepsie ou certaines affections psychiatriques telles que les troubles bipolaires, réputées pour être « sommeil-dépendantes » risquent d’être exacerbées ou décompensées par le manque de sommeil.

Voilà pour les principaux. Tout type de dérèglement est possible, mais ceux-ci sont ceux qui ont été les plus « explorés » par les études.

Ce qu’il faut nuancer dans ses propos : face à un tableau théorique aussi alarmiste, plusieurs éléments me font douter de son extrapolation absolue dans les sommeils polyphasiques restrictifs, car contrairement à la privation pure et simple de sommeil, il y a :

  • Un certain respect de l’organisme et de ses besoins avec des périodes réservées au sommeil, de manière régulière (exemple : toutes les 4 heures).
  • Une adaptation du style de vie (activités, alimentation, sport) : en effet, même si la sensation de faim est augmentée, rien ne vous empêche de ne pas y répondre et de limiter les repas ou bien d’en faire un ou deux de plus mais plus légers, ce qui équivaut à avoir le même apport, mais fractionné. Le sport également est presque nécessaire car il permet d’améliorer les sécrétions hormonales.
  • Le simple fait que des personnes tiennent ces rythmes de sommeil durant des années est en soi un élément non négligeable !

Au final : les arguments apportés par votre médecin concerneront ce que l’on sait du manque de sommeil « involontaire » ou « imposé » et qui n’implique pas de siestes régulières. Et c’est peut-être là que s’affiche toute la nuance, car personne ne peut répondre d’un point de vue « objectif » à cette question du sommeil polyphasique car il n’y a pas d’étude validée dans ce domaine.

Les enfants dorment en polyphasique sans que cela ne pose problème, mais ils dorment un nombre d’heure équivalent (voire supérieur au début) à celui des rythmes Uberman et Everyman.

Concernant les navigateurs qui adoptent le sommeil polyphasique, ils ne le font que de manière temporaire. Qu’en serait-il de leur état physique s’ils faisaient cela durant plusieurs années sans interruption ? Pas de réponse.

La motivation joue également beaucoup car ceux qui choisissent de dormir selon ces rythmes le font volontairement et éduquent leur psychisme en ce sens. Dès lors, difficile de savoir quel effet « protecteur » un bon mental pourra avoir sur l’organisme.

A mon sens, l’essentiel, et comme le fait très rigoureusement Thibault, est de rester un minimum à l’écoute de son organisme. Dire à son cerveau, tentons l’expérience et la poursuivre oui ; mais savoir faire une pause d’une nuit complète lorsqu’il y a de réels signes de fatigue psychologique est le meilleur moyen de se préserver.

Thibault Vincent : Lifestyle Experiment and Adventures

Olivier Roland : Des livres pour changer de vie


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3 Réponses de “Se réveiller 6 fois par jour, est-ce possible ?”

  1. Charles dit :

    Intéressant !

    Personnellement, ça me fait peur. Le corps a besoin de plusieurs heures pour régénérer ses cellules durant la nuit, et 2h ça me parait pas suffisant.

    On verra le résultat dans 20 ans si les adeptes continuent :) .

  2. Ton point de vue de médecin est très intéressant, quant à moi je dois m’en référer au simple bon sens, et priver son corps de sommeil sur le long terme ça me parait vraiment pas sain. J’ai une amie qui m’a dit un jour « si tu ne dors pas tu vieillis plus vite » en parlant d’une amie à elle qui ne dormait pas assez, je crois qu’elle a p’tet bien raison !

  3. Ludivine dit :

    Merci pour vos commentaires :) Personnellement ce n’est pas tant l’aspect dangereux pour la santé qui m’intrigue le plus dans l’affaire. Comme vous avez noté à juste titre, le manque de sommeil fait vieillir plus vite en réduisant le temps nécessaire au « nettoyage » des cellules et augmente inévitablement le taux de mutations et de fil en aiguilles on s’épuise. Mais généralement, lorsque l’on est fatigué on tombe de sommeil c’est le cas de le dire et ce qui étrange c’est que ceux qui dorment en « fragmenté » arrivent à y résister. Personnellement, je peux lutter quelques jours mais après, je suis obsédée par l’idée de dormir, un peu comme ceux qui suivent des régimes le sont par l’idée de manger ! Comment expliquer que ce ne soit pas leur cas?

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