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Jeudi 17 juillet 2014

A propos de l'auteur

Bonjour et bienvenue ! Je m’appelle Ludivine, je suis interne en médecine générale et future généraliste. A travers ce blog, j'aimerais à la fois vous transmettre l'essentiel des bases pour bien comprendre votre corps et vous aider à mieux apprivoiser la logique du monde médical.

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Connaissez-vous les médicaments à éviter après 75-80 ans ?

Pourriez-vous dire combien de médicaments comportent les ordonnances de vos parents, grand-parents ? Plus l’âge avance, plus les interactions entre les médicaments sont à l’origine de nombreuses complications. Après 75-80 ans beaucoup de médicaments pourraient être arrêtés car leur bénéfice diminue, en regard des risques d’effets secondaires. Voici cinq types de médicaments dont il faut se passer si c’est possible.

A. Le monde est stone sous benzodiazépines

Les benzodiazépines tout le monde connaît. Il s’agit du Temesta, Lexomil, Xanax, Seresta, Tranxène, Valium etc. (liste complète par ici) et autres acolytes dont les français sont très fans. Malheureusement, souvent inutiles et mal prescrits, ils ont de gros inconvénients chez les personnes âgées.

Problème 1 : dépendance

Les benzodiazépines induisent une dépendance tout comme une drogue. Pour les arrêter il faut donc effectuer une période de sevrage. Chez la personne âgée, les sevrages mal faits ou involontaires (exemple la boite est vide et je n’ai pas de réserve) peuvent être délétères, car les organes sont plus fragiles et vont moins bien supporter “le manque” et risque d’avoir des ratés. Par exemple : un cœur fragile, stressé par l’absence de benzodiazépines pourrait s’emballer et se mettre à battre irrégulièrement. Il est donc important de demander au médecin de surveiller le sevrage.

Problème 2 : zen

Les benzodiazépines “shootent” les personnes âgées. Vu que leurs capacités d’élimination des molécules sont diminuées (rein et foie fonctionnent au ralentit), les effets sont augmentés lorsque les doses prises sont les mêmes que pour les personnes plus jeunes. On arrive facilement à des états de somnolence, les personnes âgées semblent ailleurs, peu réactives et la baisse de la vigilance peut entrainer tout un tas de problèmes, comme des chutes, des oublis et autres accidents domestiques.

Problème 3 : 1+1=2

La liste de ce cheptel de molécules étant longue, il n’est pas rare de retrouver dans l’ordonnance ou en prise hors ordonnance deux benzodiazépines qui portent deux noms différents. Sans le savoir, les personnes âgées prennent double dose en pensant que l’action n’est pas la même, alors que ce sont juste les noms ou les dosages qui sont différents.

B. Vous avez une petite tension aujourd’hui

La plupart des personnes âgées (voire moins âgées) ont une hypertension artérielle (HTA) et sont traitées par des antihypertenseurs qui sont généralement efficaces lorsqu’ils sont bien pris. Pour un adulte de moins de 65 ans, sans autre problème de santé, on considère que la tension artérielle (ou pression artérielle) doit être inférieure à 140/90 mmHg (14/9). Passé 75 ans, on devient un peu plus tolérant en allant jusqu’à 150 mmHg de systolique.

Pression artérielle

Chez les sujets âgés, tout le système hormonal de gestion de la tension se modifie et rend les variations de la tension artérielle plus grandes. Le risque principal de ces variations de tension est de faire une chute, lors du passage de la  position assise à debout (hypotension orthostatique). Les mécanismes d’adaptation ne suivent plus et la tension baisse trop, ce qui mène à un étourdissement puis à une brève perte de connaissance (le sang n’arrive pas assez vite au cerveau). Une fois au sol, la personne reprend rapidement connaissance, mais les conséquences sont souvent graves en raison des fractures qui peuvent survenir pendant la chute.

Pour éviter ces situations, il est important de se poser la question de savoir si le traitement antihypertenseur n’est pas trop fort et si il ne risque pas de favoriser les chutes. Il faut que votre médecin choisisse les molécules les plus adaptées et qu’il ne dépasse pas 3 médicaments différents, en évitant les antihypetenseurs centraux type Catapressan (clonidine), Aldomet (methyldopa), Moxon (Moxonidine) qui présentent plus de risques que d’avantages.

Attention ! Le traitement antihypertenseur est indiqué quel que soit l’âge en cas d’hypertension, car il permet de diminuer les AVC et autres accidents cardio-vasculaires.

C. Oui, mais non

Beaucoup de personnes âgées sont traitées par antidépresseurs pour une “dépression”, une “déprime”, autant de raisons plus ou moins bien explorées qui donnent l’occasion de rajouter un médicament à la liste déjà trop longue.

En soi, prescrire un antidépresseur à une personne âgée ne pose pas de problème. En revanche, ce qui pose problème, c’est le type d’antidépresseur choisi. Deux classes sont souvent utilisées : les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) et les antidépresseurs tricycliques (TCA). Chez les personnes âgées, le choix doit s’orienter vers les IRS qui causent beaucoup moins d’effets secondaires graves. Les TCA sont à déconseiller car ils peuvent favoriser le blocage des urines (rétention aigue d’urines) qui se complique fréquemment de problèmes psychiques (changement de comportement) voire d’un retentissement sur les reins si les urines ne sont pas évacuées rapidement (il faut aller aux urgences pour cela). D’autre part, ils sont contre-indiqués en cas de problèmes de prostate, de glaucome à angle fermé, de troubles du rythme cardiaque ; autant de maladies qui augmentent en fréquence avec l’âge.

Pour savoir quel type d’antidépresseur est prescrit, il suffit de regarder la notice du médicament, la “classe médicamenteuse” est indiquée au début.

D. La mécanique des fluides

Dans le même esprit que les antihypertenseurs, les médicaments influençant la fluidité du sang sont à considérer avec attention. Il arrive régulièrement que des traitements par AVK (previscan) aient été prescrits à l’hôpital suite à des phlébites (accidents thrombo-emboliques) et que par la suite, aucun médecin n’ait pensé à les arrêter. Ces médicaments doivent par exemple, dans ce cas précis de la phlébite, être pris durant plusieurs mois après l’accident, mais ne sont pas indispensables à vie.

vaisseau sanguin

Le rôle des AVK est de fluidifier le sang pour éviter que des caillots ne viennent boucher les vaisseaux.

Il est donc important de connaître ou de demander au médecin la raison pour laquelle le previscan a été prescrit. Dans certains cas, il doit être maintenu à vie (fibrillation auriculaire, prothèse cardiaque…), mais dès que l’on peut s’en passer, il faut le faire, car les risques chez les personnes âgés sont une fois de plus démesurés par rapport aux sujet jeunes. Le principal risque étant la constitution d’un gros hématome (poche de sang sous la peau ou plus en profondeur dans les organes) lors d’un choc ou d’un coup qui ne semblait pas si grave. Si la poche de sang se rompt, beaucoup de sang va être perdu, ce qui mène à une hémorragie abondante, qui peut engager rapidement le pronostic vital (choc hypovolémique).

E. Faut-il statiner ?

Les statines sont prescrites pour réduire le taux de cholestérol. Chez les personnes âgées, passé les 75 ans, l’intérêt de ce médicament devient relatif. Sa prescription n’est pas responsable d’un danger direct, mais est plutôt “inutile”. Il peut donc être arrêté sans regrets.

F. Et maintenant, que vais-je faire ?

En pratique, ne tentez surtout pas d’arrêter vous-même les médicaments, ni d’encourager vos proches à le faire. La plupart de ces médicaments doivent subir une surveillance lors de l’arrêt au risque de créer soit des effets de sevrage/de manque, soit des accidents sanguins liés à un arrêt brutal.

Ce que je vous encourage à faire en revanche, c’est d’accompagner vos parents ou vos grand-parents lors de la prochaine consultation et demander au médecin de réévaluer les indications de chaque traitement vu l’âge avancé. Essayez de prendre un ton diplomatique pour que le médecin ne se sente pas attaqué ni ne se braque, comme par exemple “Docteur, je voulais vous demander, est-ce que vous pensez que tel médicament est encore utile vu mon âge/l’âge de ma mère ?”. Evitez d’emblée les “j’ai lu sur internet que les antidépresseurs tricycliques étaient déconseillés chez les personnes âgées et qu’il valait mieux mettre des IRS” sinon votre médecin va se sentir attaqué du point de vue de ses connaissances et va possiblement vouloir vous montrer que c’est vous qui avez tort et qui ne maîtrisez pas tout.

Enfin, lorsque les personnes âgées en arrivent pour une raison X ou Y à être hospitalisées, le tri des médicaments entre ceux à continuer et ceux à arrêter est souvent drastique ; seul l’essentiel est gardé. Mais hors hôpital, beaucoup de traitements sont poursuivis sans raison, par habitude, parce que personne ne pense à les arrêter ou parce que les médecins n’osent pas arrêter la prescription injustifiée d’un confrère. Pour autant, tout médecin sait intérieurement que les médicaments sont à limiter au maximum avec l’âge qui avance. N’hésitez donc pas à encourager votre médecin à alléger l’ordonnance.

Faites passer l’information à vos proches !

Crédit photo : stock.xchng, Jasleen_kaur, stock.xchng



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4 Réponses de “Connaissez-vous les médicaments à éviter après 75-80 ans ?”

  1. Sorin Busuioc dit :

    Bonjour,

    Le message passé dans cet article est très utile. Merci beaucoup. Surtout pour les personnes comme moi qui ont « mal à la tête » des qu’ils lisent le mot : « benzodiazépines ».

    Arriver à vivre jusqu’à l’âge de 75-80 ans, c’est pas mal. Avoir un bon médecin qui trouve le bon diagnostique et qui prescrit les bons médicaments dès la première consultation, c’est avoir de la chance. Ne pas avoir besoin d’un médecin c’est encore beaucoup mieux.

    C’est pourquoi il est nécessaire d’utiliser le plus possible des solutions naturelles pour prévenir tous ce genre de problèmes. C’est ce que je fais depuis environ trois ans et toute ma famille en bénéficie.

    Depuis, j’ai déjà rendu visite à mon médecin. Il me fournit les attestations pour faire du sport.

    Sorin
    http://aloevera-conseils.com/

  2. Rémi dit :

    Bonjour Ludivine,

    Article intéressant. Je dois avouer que je ne m’étais jamais interrogé sur l’évolution de l’efficacité des médicaments selon l’âge.
    Ton article a donc également le mérite d’avoir attiré mon attention sur ce phénomène.

    Bonne continuation à toi.

  3. Je fais passer l’information.

  4. sylvie dit :

    Bonjour, merci pour toutes ses informations; infirmière dans une maison de retraite, j’observe que certains médecins commencent à évoluer dans leur prescription médicale; Ils retirent des traitements des médicaments qui sont plutôt nocifs pour l’état de santé de la personne; Cà fait plaisir à voir; lorsqu’on prépare les semainiers de nos résidents, il y a de quoi avoir la nausée ! Sans parler des benzodiazépines : certaines personnes âgées sont devenus accro à leur insu !

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