Vous aider à comprendre votre médecin et mieux vivre vos problèmes de santé
Samedi 19 juillet 2014

A propos de l'auteur

Bonjour et bienvenue ! Je m’appelle Ludivine, je suis interne en médecine générale et future généraliste. A travers ce blog, j'aimerais à la fois vous transmettre l'essentiel des bases pour bien comprendre votre corps et vous aider à mieux apprivoiser la logique du monde médical.

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Demain tous médecins grâce à Internet ?

Un patient qui arrive chez son médecin en ayant déjà fait son diagnostic, quoi de plus inquiétant pour un médecin ? Quelques clics de souris, des symptômes à lister et avec Internet, tout devient possible ; n’importe qui peut faire le diagnostic de ce dont il souffre, en allant d’un banal rhume à une maladie chronique. « Ne croyez pas ce qu’ils disent sur Internet, c’est bourré de fautes » disent les médecins… et pourtant, lorsque votre diagnostic est exact, que peuvent-ils répondre ? Internet pourra-t-il faire de vous des médecins d’ici quelques années ?

 

Le privilège de l’expérience.

 

Chacun d’entre nous a déjà eu plusieurs fois la même maladie et à cette occasion, pu remarquer que le traitement était pratiquement toujours identique. Par exemple, vous vous souvenez avoir eu une pneumonie l’an dernier pour laquelle on vous avait prescrit un traitement par Clamoxyl, un antibiotique. Ca vous est arrivé une fois, à un proche également, vous avez enregistré à juste titre que pour la pneumonie, le traitement est du Clamoxyl (amoxicilline). Cinq ans après, mêmes symptômes en plein hiver, ça y est, vous en êtes sûr, c’est encore une pneumonie et vous voyez d’avance l’ordonnance que va vous rédiger le médecin. Est-ce vraiment nécessaire d’y aller ? Si seulement vous pouviez avoir un stock de Clamoxyl ou bien vous en procurer, vous pourriez économiser du temps, de l’argent et surtout la consultation avec toute la partie déshabillage/auscultation.

 

Ca marche !

 

C’est décidé, vous vous passez du médecin après avoir vérifié sur internet que vos symptômes correspondaient. Vous avez trouvé du Clamoxyl dans votre pharmacie, qui avait été prescrit à un autre membre de la famille. Vous en prenez comme vous l’aviez fait l’autre fois et une semaine après vous êtes sur pied, fier d’avoir réussi à vous soigner sans l’aide de personne.

Jouissif pour le patient, embêtant pour le médecin.

La médecine étant une science, à un ensemble de symptômes correspondent une maladie et un traitement. A partir de là, comme l’ont fait les médecins durant leur formation, vous pouvez vous-même apprendre à faire un diagnostic en fonction des symptômes, en déduire le traitement avec l’aide de sites de vulgarisation médicale. Effet immédiat de sentiment de puissance quand ça marche, vous êtes fier de vous-même, car vous avez acquis une certaine indépendance par rapport à votre médecin. Après tout, la médecine, c’est un ensemble de données qu’il suffit d’apprendre par cœur, donc accessibles à tout le monde.

 

En revanche, pour votre médecin, la situation est plus embêtante car vous échappez à son contrôle et ce, sur différents points :

- le choix du traitement qui reste souvent hasardeux, quel que soit le type de médecine (allopathie sur ordonnance, phytothérapie, aromathérapie etc.). En effet, on regarde sur internet les maladies pour lesquelles un médicament marche, mais en cherchant plus loin on trouve d’autres médicaments tout aussi efficaces pour la même maladie : lequel choisir ?

- la durée du traitement, la dose prise et la répartition sur la journée (posologie), car si internet propose souvent le nom de la molécule, trouver une indication sur « combien de temps ? » et « dans quel cas ? » est plus difficile, sachant que parfois les médicaments se prennent en fonction du poids ou de l’âge. Cela peut apparaître de l’ordre du détail, mais lorsque la dose n’est pas adaptée, le médicament peut tout simplement se révéler inefficace, car il est prévu pour agir dans une fourchette de doses (intervalle thérapeutique).

- non compréhension des mécanismes d’action du médicament, simplement lié au fait de l’absence de formation sur le sujet. Si l’on commence à chercher la définition de chaque mot, on est vite découragé tellement le domaine se révèle vaste et complexe.

- la non intégration des effets secondaires possibles, qui est nécessaire dès que l’on a des antécédents de maladies ayant eu des conséquences irréversibles, des maladies chroniques (diabète, hypertension etc.), des déficits de certains organes (insuffisance rénale, insuffisance hépatique), et ce d’autant plus que – malheureusement – très souvent, par défaut d’information de la part des médecins ou déni de la maladie de la part des patients, les gens ignorent quel est l’état réel de santé de leur corps.

- favorisation du développement de résistances bactériennes dans le cas des antibiotiques, en cas de prise de Clamoxyl pour une pneumonie virale par exemple (les antibiotiques ne sont efficaces que contre les bactéries et les deux, bactéries et virus, peuvent être responsables de pneumonies).

- interférence avec les autres traitements que vous prenez éventuellement (pilule, anti-hypertenseur, antidiabétique oral etc.). Même si vous lisez la liste des médicaments contre-indiqués, comment être sûr de bien identifier le nom de la famille du médicament ?

- enfin, le retard de consultation et au diagnostic dans les cas d’échecs de traitement ; qui peut vous assurez que ce que vous avez pris pour une simple pneumonie n’était pas le reflet d’autre chose de plus sérieux ? Voici un exemple qui illustre ce point qui me semble important ; réécrivons l’histoire de la pneumonie avec une autre issue :

 

Y’a comme un problème…

 

Après 5 jours de Clamoxyl, vous n’êtes absolument pas mieux et toujours cloué au lit. Quelque chose cloche, pourtant vous êtes sûr que c’est la même maladie. Vos proches commencent à s’inquiéter et appellent le médecin. Comment va-t-il réagir si vous lui dites que vous avez pris un antibiotique sans prescription ? Vous préférez ne pas lui dire, ça vous évitera de vous faire sermonner.

Heureusement pour vous, le médecin ne semble pas du tout intéressé par cette question. Il examine votre peau, vous palpe surtout le cou alors que le problème ne se situe pas vraiment là pour vous, puis sous les bras et enfin les plis de l’aine. Il vous pose des questions qui n’ont rien à voir, inspecte votre ventre… Vous vous demandez s’il est vraiment compétent, car vous lui avez dit que vous aviez une pneumonie avec un bon argumentaire. Au final, l’ordonnance ne ressemble pas du tout à ce à quoi vous aviez pensé : il vous appelle une ambulance avec un autre antibiotique que vous ne connaissez pas, du paracétamol et surtout une prise de sang en urgence avec des examens d’imagerie.

Par chance, vous avez un médecin soucieux de vous informer et celui-ci ne tarde pas à vous expliquer que votre pneumonie n’est pas une simple pneumonie, mais le reflet d’une défaillance de votre système immunitaire, causée par quelque chose de bien plus grave, qui pourrait être un lymphome. Vos proches ont bien fait d’appeler, mais vous, avez-vous bien fait de prendre cette initiative concernant le Clamoxyl ? Et si tout ceci était lié ? Mais vous ne vous voyez pas l’interroger à ce sujet, vu que vous avez pris cette décision en dehors de toute prescription médicale… Vous avez plein de questions car le lymphome, ça ne vous parle pas du tout. C’est l’angoisse…

 

… l’angoisse, car en plus d’être une science, la médecine est également un art. En supposant que vous maîtrisiez les points cités auparavant concernant les propriétés des médicaments, il n’en reste pas moins que la médecine est en partie aléatoire. Bien qu’elle s’appuie sur des connaissances fondées sur des preuves résultant d’études faites sur de grandes populations, chaque être est unique et pour cette raison, avoir les seules connaissances théoriques ne suffit pas. Il faut en plus avoir l’expérience de la pratique sur des centaines de personnes et l’intuition. Généralement, nous avons tous un peu d’expérience personnelle et pour les plus à l’écoute de leur corps, un peu d’intuition sur ce qui ne va pas. Mais ce qui fait défaut, et qu’internet ne pourra que très difficilement modéliser maintenant ou demain, est l’application à votre histoire personnelle de toutes ces données. Sur ce point internet rencontre quelques obstacles pour vous aider :

 

- bien que votre expérience personnelle et vos capacités intellectuelles ne fassent pas défaut, vous ne connaissez généralement que ce que vous avez expérimenté de près ou de loin. De fait, vous ne cherchez que ce que vous connaissez ou qui correspond à vos symptômes principaux. Et lorsque vous cherchez des informations sur internet, vous avez tendance à « zapper » les informations que vous ne comprenez pas, et qui peuvent être importantes.

- vous pouvez passer à côté de symptômes faisant partie de la maladie, comme c’était le cas dans l’histoire du lymphome où le patient n’avait noté que les symptômes connus sans avoir pensé que les petites boules qui s’étaient développées sur son cou et dans le pli de l’aine depuis plusieurs semaines pouvaient être importantes à noter.

- vous n’avez pas l’œil éduqué pour lire votre corps comme un médecin le ferait ; ce qui peut vous apparaître comme faisant naturellement partie de votre apparence, peut dès le premier regard d’un praticien être le signe d’une maladie non soignée (exemple un petit relief sur votre cou qui s’est installé depuis quelques années et auquel vous ne portez pas attention ; qui est en fait un goitre thyroïdien, symptôme d’un dysfonctionnement de cette glande).

- de la même manière, vous ne savez pas comment examiner votre corps, c’est-à-dire comment le toucher pour le faire parler et mettre en évidence des symptômes « cachés » à première vue. C’est souvent une partie à laquelle les patients ne portent pas grande attention car ils ne comprennent pas vraiment comment ça marche, mais savoir bien examiner une personne malade est essentiel. C’est sur cette partie regard + examen que l’on peut apprécier la gravité et l’urgence. L’un sans l’autre, c’est amputer la médecine d’une source d’informations importante.

- vous pouvez avoir compris comment se comportait un organe grâce à votre expérience personnelle, surtout si vous êtes atteint d’une maladie chronique (lupus, diabète, asthme etc.) mais les interactions entre tous les organes peuvent vous échapper, car toute action sur un organe a un effet sur les autres, tout est lié.

- dans cette ligne de lien entre organes, internet ne pourra jamais vous résumer en une rubrique accessible et concise ce que va provoquer la prise d’un médicament sur votre corps ; tout simplement car l’information serait indigeste, mais aussi car comme je l’ai précisé plus haut, chaque organisme est unique et le processeur nécessaire à l’intégration de toutes les données qui vous concerne n’a pas encore vu le jour, si ce n’est dans le cerveau d’un médecin averti et ce, à l’issue de dizaines d’années de pratique.

- internet intègre difficilement les données « subjectives » telles que l’état psychique dans lequel vous vous trouvez mais qui jouent également un rôle, parfois non négligeable dans l’évolution des maladies.

L’avenir nous le dira…

 

Soyons honnêtes, internet contient clairement toutes les informations que la médecine apporte à ses futurs praticiens, mais disposer d’une information, ne signifie pas forcément savoir l’exploiter. J’ai tendance à penser que les patients concernés par leur santé et décidés à se prendre en charge sont un bon reflet de l’esprit actuel de notre société qui va vers l’autonomisation. Un patient qui arrive en consultation avec une idée de diagnostic pourquoi pas ; bien entendu ne serait-ce que d’un point de vue légal, il va falloir vérifier, mais la démarche me semble intéressante.

Au final, je ne vous recommande qu’une chose : faites toujours attention à la balance entre vos connaissances et votre ignorance. La première est garante d’un avantage et d’une capacité à se penser en temps que personne responsable, mais la seconde – qui est souvent plus grande que la somme de vos connaissances – représente les risques que vous faites courir à votre organisme et auxquels par définition vous ne pensez pas.


 




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Une réponse de “Demain tous médecins grâce à Internet ?”

  1. patatechaude dit :

    bon article mais je tiens a remercier internet qui m’a permise de me soigner : hernie ombilicale et thyroidite atrophique trainée pendant 2 ans ( alors que les symptômes sautaient aux yeux) , quand les « savants » medecins me traitaient de « stressée  » . depuis j’ai une plaque de silicone dans le ventre et un traitement a vie . je me bats depuis une semaine avec vos « chers » confreres pour un bras gonflé impotent et douloureux , pour eux il faut attendre et voir dans 15 jours comment mon corps reagit , pour moi , je me renseignes pour SAVOIR POURQUOi . je déplore que de plus en plus les medecins nous prennent pour des clients ,des faiseurs de grippe , qui , dés que leurs connaissances et leurs egos sont dépassés , jettent l’éponge sans donner de réponse, de solutions à défaut d’un peu de compassion . voilà , ras le bol d’une carte de sécu doublé d’un portefeuille .

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