Petite digression cette semaine avec une « blague » reçue par mail ce jour, mais tellement conforme à ce que je constate trop souvent qu’il me fallait vous la faire partager.
Quelque part dans un hôpital en France :
- Bonjour ! Ici l’accueil de l’hôpital ?
- Bonjour, j’aimerais parler avec quelqu’un à propos d’un patient qui se trouve chez vous. J’aurais souhaité connaître son état de santé, savoir s’il va mieux ou si son problème s’est aggravé.
- Quel est le nom du patient ?
- Il s’appelle Jean Dupont chambre 302
- Un instant je vous prie, je vous passe l’infirmière.
Après une longue attente :
- Bonjour, ici Françoise l’infirmière du service. Que puis-je pour vous ?
- J’aimerais connaître l’état du patient Jean Dupont de la chambre 302.
- Un instant je vais essayer de trouver le médecin de garde.
Après une plus longue attente :
- Ici Le Dr. Michel, le médecin de garde ; je vous écoute.
- Bonjour Docteur, je voudrais savoir quel est l’état de Monsieur Jean Dupont, qui se trouve chez vous depuis 3 semaines à la chambre 302. Un instant, je vais consulter le dossier du patient.
Après encore une autre attente :
- Huuuummm, Le voici : Il a bien mangé aujourd’hui, sa pression artérielle et son pouls sont stables, il réagit bien aux médicaments prescrits et normalement on va lui enlever le monitoring cardiaque demain. Si tout continue comme ça encore 48 heures, son médecin signera sa sortie d’ici le week-end.
- Aaahhh ! Ce sont des nouvelles merveilleuses ! Je suis fou de joie. Merci.
- A votre façon de parler je suppose que vous devez être quelqu’un de très proche, certainement de la famille ?
- Non, Monsieur ! Je suis Jean Dupont moi-même. Et je vous appelle du 302 !
Tout le monde entre et sort ici de ma chambre et personne ne me dit rien… Je voulais juste savoir comment je me porte ! Merci bien !
Dialogue ou monologue
Trop souvent cette “blague” se rapproche de la réalité. L’autre alternative est la communication inefficace du médecin. Pour vous illustrer la communication inefficace, voici un exemple récent. J’accompagnais un des médecins du service qui venait de ramener une patiente qui avait le cœur qui battait trop lentement. Je remplissais le dossier tout en écoutant mon collègue d’une oreille qui parlait à la patiente. A peu de choses près il lui dit “Madame, vous avez un trouble du rythme cardiaque, on va vous hospitaliser en cardiologie pour faire le point et trouver l’étiologie. Il vaut mieux vous hospitaliser car vous risquez des complications et il faut voir si on doit vous poser un pacemaker. D’accord ?”. Pendant cette phrase merveilleuse, la patiente regardait le médecin en approuvant de la tête et en prenant un air entendu. Elle lui répondit “d’accord”. Il ajouta quelque chose du type “ça va aller ?”. Elle lui dit “oui” avec un petit sourire.
Personnellement je me demandais vraiment si elle avait compris parce que franchement si je n’avais pas été médecin, je crois que je n’aurais rien compris à tout ce jargon médical ! La patiente me regardait avec un sourire timide. Je me suis approchée pour lui demander “est-ce que vous avez compris ce que le médecin vous a dit ?”. Là, elle a directement changé de visage et m’a dit d’un air soulagé et un peu honteux “non… pas vraiment…”. Sur ce je lui ai réexpliqué ce qu’elle avait avec des mots simples en m’assurant cette fois-ci qu’elle avait compris.
En somme, voici deux illustrations des conséquences néfastes des barrières que les professionnels de santé – surtout les médecins – tiennent à mettre entre eux et les personnes dont ils s’occupent. Soit il n’y a pas de communication, soit elle est sous forme de monologue ; le patient se sentant souvent honteux de ne pas comprendre les termes employés par le médecin. Le plus dommage et dommageable étant que ces problèmes de communication pourraient être en partie résolus par une meilleure éducation et une sensibilisation accrue des futurs médecins sur le fait qu’ils traitent des humains et non des maladies.
Pour ma part, je ne peux que vous encourager à poser des questions à votre médecin encore et encore, tant que les explications ne vous paraissent pas suffisantes. Cela aidera également les médecins j’en suis sûre, à leur faire prendre conscience que ce qu’ils disent n’est pas toujours bien compris.
Si vous avez déjà vécu une situation similaire, partagez-la dans les commentaires. Elle sera instructive pour tous !
Il est vrai que cette blague ressemble souvent à ce qu’un patient peut vivre en réalité et c’est bien dommage. Ma mère a passé quelques jours à l’hôpital pour des problèmes à l’œsophage et personne ne savait jamais ce qui se passait, car ni médecins ni infirmières n’étaient à notre disposition. Peut-être bien que cela devrait arriver aux médecins pour qu’ils prennent conscience que les patients et leurs familles ont le droit de savoir ce qui se passe.
Cette blague est malheureusement très proche de la réalité, étant étudiant infirmier, je la confirme.
J’ai vu peu de médecins qui expliquaient avec des mots plus simples le traitement qu’ils prescrivaient à leurs patients.
Ce que je vois, c’est qu’un médecin ou un interne passe en moyenne 10 à 15 minutes par patient (en étant gentil) pour ensuite passer à l’autre.
Et c’est souvent aux infirmières (et l’étudiant infirmier) d’expliquer pourquoi le médecin a prescrit ses médicaments. Et puis j’ai pas l’impression que les médecins sont formés à la communication avec le patient contrairement aux infirmières et aux aide-soignantes.
Je parle pour moi : la communication fait partie des compétences que je dois valider si je veux obtenir mon diplôme à la fin de mes 3 ans d’études.
Bonjour Pascal et merci pour votre commentaire tiré de l’expérience. En effet les médecins sont peu voire pas du tout formés à la communication avec le patient. Pour ma part j’ai eu des cours théoriques sur « comment annoncer une mauvaise nouvelle » qui ne m’ont absolument pas convaincue ; trop de technique, pas assez de place pour l’humain. Je n’aimerai pas que l’on m’annonce une mauvaise nouvelle de la sorte. Nous avons toute une liste de choses à ne pas faire, mais pas assez d’indications sur « quoi faire » et surtout sur comment le faire avec empathie. Dans nos cours « empathie » était un mot clé qui rapportait des points, mais personne ne nous a jamais montré « en vrai » ce que c’était que l’empathie avec une personne en face de nous.
Je trouve dommage que les patients n’osent pas toujours poser les questions aux médecins, c’est pour cela que je m’efforce autant que possible de leur demander si ils en ont à poser et surtout si ils ont bien compris ce que je viens de dire. Pour autant, je crois que les médecins n’auront plus le choix très longtemps car l’abandon progressif du paternalisme en médecine obligera de gré ou de force les médecins à travailler sur leur communication avec les personnes qu’ils soignent.
Si on regarde d’un point de vue sociologique, le médecin a une place particulière dans la société. Il a un statut qui le rend presque intouchable aux yeux de la population.
Il possède un droit divin sur la santé du malade puisque lui seul décide de sa santé. Et puis la société actuelle entretient ce mythe.
Et puis il y a autre chose : peu de médecins ont réellement envie qu’on remette en question ce pouvoir et notamment à travers leur communication. (je repense à un de tes articles sur l’archétype du chirurgien) . Dire à un médecin qu’il ne sait pas communiquer au patient, c’est faire un affront. Surtout si cela vient d’une personne qui n’a qu’un simple Bac+3 et qui côtoie les patients au quotidien.
Bonjour Ludivine,
J’adore cette blague !