Vous aider à comprendre votre médecin et mieux vivre vos problèmes de santé
Jeudi 17 juillet 2014

A propos de l'auteur

Bonjour et bienvenue ! Je m’appelle Ludivine, je suis interne en médecine générale et future généraliste. A travers ce blog, j'aimerais à la fois vous transmettre l'essentiel des bases pour bien comprendre votre corps et vous aider à mieux apprivoiser la logique du monde médical.

Suivez-moi

Nombre d'abonnés : 4640

S'abonner au Podcast RSSS'abonner au flux RSS du blog S'abonner aux vidéos sur Youtube

Vos amis à l'étranger pourraient être intéressés ? Traduisez facilement les pages :

Analyse situationnelle n°1 : le parapluie

Pour cette première analyse situationnelle, j’ai choisi de prendre un exemple personnel afin de vous montrer qu’il n’y a pas que les patients qui ont des problèmes avec leur médecin. Les médecins aussi en ont avec leurs collègues.

Situation

mon gynécologue m’a prescrit un bilan sanguin à faire avant mon rendez-vous avec lui, afin de voir comment mon organisme tolère la pilule (contraceptive). Comme l’examen est parfaitement justifié, je le fais et je reçois les résultats à la maison qui sont normaux à l’exception d’un : la TSH, autrement dit, l’hormone principale de régulation de la thyroïde. Diagnostic : hypothyroïdie, mais la valeur est très peu élevée par rapport à la norme (donc hypothyroïdie fruste pour ceux qui aiment les détails). Suite à cette décharge d’adrénaline je m’empresse de mesurer mes constantes, m’auto-examiner pour finalement conclure que je ne présente aucun des symptômes de ce diagnostic. Dans ce cas de figure, la HAS (ma meilleure amie) recommande en cas d’hypothyroïdie fruste de ne pas faire d’examens complémentaires qui seraient parfaitement inutiles en raison du peu de conséquences. Un dosage de contrôle est recommandé un mois après.

Sachant cela, je me connecte sur le site de la HAS pour imprimer le tableau des recommandations. Pourquoi ? Parce que je commence à avoir une petite notion de comment fonctionnent les médecins et je sens d’avance qu’il va me prescrire tout un tas d’examens et consultations. Autre argument dont j’ai connaissance, les hormones varient avec « l’humeur » et la résistance de notre système immunitaire ; ce dosage ayant été fait à un moment où je n’étais pas du tout en forme, je penche pour un résultat temporairement anormal.

Je vais chez le gynécologue qui regarde mes résultats complémentaires avec l’air circonspect des médecins et m’annonce sans plus que je dois prendre rendez-vous avec un endocrinologue « car la TSH n’est pas dans la norme ».  A ce moment là, je lui rends son regard circonspect et je lui tends la feuille de la HAS en lui rappelant qu’en cas d’hypothyroïdie fruste chez une patiente qui ne présente aucun symptôme (je vous précise qu’il ne m’a pas examinée ou pas ?) la conduite à tenir est une prise de sang de contrôle dans 4 semaines. Un instant de silence plus tard, « bon, je vais vous prescrire la prise de sang ».

Un mois après je faisais cette prise de sang, vous devinez le résultat… normal.

Analyse technique

Première critique : tendance à encourager la surconsommation médicale. Les problèmes de thyroïde sont des situations extrêmement fréquentes en médecine, et gynécologie + TSH c’est de la pratique quotidienne. Je veux bien qu’un médecin ne soit pas forcément au fait des dernières recommandations en matière de sarcoïdose ou autre maladie plus rare, mais à mon sens il y a des pathologies de base pour lesquelles il ne peut y avoir de dérogation, et les anomalies de la thyroïde (dysthyroïdies) en font partie.

Seconde critique : l’absence d’examen clinique (le collègue endocrinologue le fera…). C’est très souvent le cas, et c’est aussi comme ça que l’on rate des symptômes importants ou que l’on envoie inutilement un patient consulter un confrère. En médecine, il faut être curieux de tout ; malheureusement très peu le sont.

Troisièmement : cette fois-ci quelque chose de positif, le fait qu’un bilan ait été prescrit, afin d’évaluer la tolérance du traitement (théoriquement tous les 5 ans pour ce type de contraception ou plus tôt si signe inquiétant).

Analyse relationnelle

Première critique : le peu d’explications spontanément fournies. Il n’a pas l’air de réaliser que les gens ne parlent pas tous sa langue (il ne savait pas en quelle année j’étais). Imaginons que j’ai été une personne lambda, le fait d’entendre « la TSH n’est pas dans la norme » m’aurait totalement fait paniquer car je n’aurais pas su ce qu’était la TSH. Est-ce que c’est grave ou pas ? Qu’est ce que je risque ? Etc.

Seconde remarque : les choses sont imposées. Peu importe de savoir quel est mon avis sur la question ou plutôt quelles sont mes interrogations ; mon médecin pense pour moi. « Vous irez voir l’endocrinologue » point à la ligne et ne tentez pas de me poser une question ! Le résultat de ce type d’approche n’est jamais idéal. Soit la personne va chez l’endocrinologue mais entre temps aura stressé, cherché des informations probablement erronées et surtout non comprises sur Internet ; soit elle n’ira pas du tout voir l’endocrinologue car « je vais bien, tout va bien ». Dans les deux cas, en temps que médecin, je reste face à un patient qui n’a rien compris à ce qui lui arrive et qui par la suite, ne suivra probablement pas son traitement si besoin il y a ; tant qu’il n’y pas de symptôme apparent, on a tendance à penser que l’on est pas vraiment malade.

Ma conclusion ?

Côté patient, comme dit plus haut, une personne qui ne comprend pas ce qui lui arrive est stressée et c’est bien normal. Dans cette histoire, je ne l’étais pas vraiment, mais il n’empêche qu’un résultat alarmant passe toujours mieux lorsqu’une personne sensée connaître son sujet prend le temps de nous rassurer.

Côté médecin, la situation présentée dans cette histoire s’appelle « le parapluie ». En résumé, lorsqu’un médecin se retrouve en présence d’un résultat qu’il n’a pas envie de prendre en charge ou bien dont il ne sait que faire il envoie le patient chez un collègue. Comme ça, il est couvert vu que le patient a été pris en charge par le confrère ou même simplement adressé. Mais en plus, et c’est intéressant, il n’a pas besoin de connecter ses neurones. C’est une situation malheureusement très courante.

D’une ordonnance à l’autre, le poids des prescriptions injustifiées continue de croître. Réformer les règles de prescription certes, mais si personne ne les lit, c’est inutile. Mieux vaut réformer le cerveau des médecins… beaucoup plus difficile.

Crédit photo : Sonictk

 



Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...

Reader Feedback

9 Réponses de “Analyse situationnelle n°1 : le parapluie”

  1. Audran dit :

    Très bonne analyse.
    Dans ce cas la prescription de dosage de la TSH au départ n’était pas justifiée.
    As-tu lu Alain Froment ? Si ce n’est pas le cas je te le conseille.

  2. Jennifer dit :

    Vraiment, j’aime beaucoup ton blog ! Cela fait plusieurs fois que je te lis, plusieurs fois que j’écris des messages… que j’efface avant de poster ! C’est trop difficile pour moi de parler de l’hopital et de son environnement !

    Ca fait 1 an que mon garçon de 9 ans est suivi à l’hopital. J’aurai tant de choses à dire… Sur la gestion de la douleur (en théorie prise en charge), sur les médecins qui « balancent » des infos à nous faire pleurer des jours et des jours (infos qui ne se vérifieront pas ensuite), sur des médecins qui oublient de faire des examens cliniques simples… (heureusement qu’1 seul médecin pratiquera un examen simple qui permettra de découvrir une diplopie.) Suite à cette découverte, une IRM confirmera une masse qui « pinçait » le nerf optique. Il a été opéré ‘de suite’ lors de cette découverte…

    Et s’il n’y avait que ça… :-(
    S’ajoute 1 médecin, 1 kiné adeptent des tisanes qui vous diront qu’opérer ne sert à rien mais qu’il faut se soigner avec des méthodes naturelles et faire une sorte d’introspection pour trouver le traumatisme qui a pu provoquer tout cela sur le corps… parce qu’à son âge, on ne peut pas avoir « tout ce qu’il a » et que ce n’est pas « possible »…

    Comme je l’ai dis, il y a tellement de choses à dire… :-( Je m’arrette là, car si non, ça sera un message de plus supprimé et non envoyé ! ;-)

    • Ludivine dit :

      Bonjour Jennifer, je suis contente de te retrouver sur mon site :)
      Ce que tu écris ne me surprend malheureusement pas tellement… J’espère que ton fils a pu être opéré avec succès et que sa vue n’a pas été affectée. Par contre la partie sur le médecin et le kiné qui refusent la chirurgie me laisse un peu plus dubitative, surtout par rapport à leur argumentaire « les enfants ne peuvent pas avoir tout ça ». Les tumeurs du cerveau ne sont pas si rares chez les enfants et il me semble qu’à ce jour l’introspection n’est pas encore reconnue comme un traitement curatif… !
      Trêve de plaisanteries, mieux vaut rester sur le fait que l’histoire s’est relativement bien finie… Bon courage à vous deux pour la suite, et au plaisir de lire d’autres commentaires de ta part.

  3. Jennifer dit :

    Le problème c’est que l’histoire n’est pas finie justement… (L’opération s’est bien passée, mais il a, des problèmes de vue justement… mais qui tendent à s’améliorer aux derniers examens. On va très souvent passer des champs visuels notamment… ) . La diplopie a quasiment disparue.

    Le cas de notre garçon est complexe aussi : il a été hospitalisé parce qu’il avait des douleurs insupportables à son pied (au point de ne plus dormir la nuit !). Il s’est avéré qu’il avait un Kyste Osseux essentiel du Calcanéum. C’est lors de cette hospitalisation qu’on trouvera la tumeur à la tête…

    C’est pour ça qu’on a eu comme discours « les enfants ne peuvent pas avoir tout ça » (Sans compter que 6 mois avant de découvrir le K.O.E du calcanéum, on a découvert « par hasard » que notre fils était sourd (cophose)d’une oreille.
    Alors je ne te raconte pas toutes les hypothèses qu’on a eu :
    - maladie génétique (on est suivie par une généticienne). Rien n’a été trouvé à ce jour
    - maladie (virus…) attaquant le système nerveux (rien de probant pour le moment dans cette hypothèse non plus). On attends encore des résultats cependant.
    - reste quoi ? Ben le côté psy ! (ceci dit on a pas eu de soucis dans notre famille : ni décès, divorce, rupture, violence, alcoolisme, drogue etc etc ni problème d’école non plus. Bref, rien qui pourrait expliquer pourquoi son ‘esprit’ aurait pu créer tout cela dans son corps…).

    Ca fait un tout petit peu plus d’un an que notre garçon a découvert l’hopital (et nous aussi dans cet aspect hospitalisation et suivi de longue durée).

    J’ai compris beaucoup de choses sur le fonctionnement de l’hopital durant cette année. Il faut être très fort psychologiquement, mentalement (en tant que patient) pour supporter les discours contradictoires des médecins, ceux qui prêchent pour des solutions alternatives , ceux qui sont alarmistes, ceux qui disent qu’il n’y a aucunement besoin de faire des examens car dans 99 % des cas il n’y aura rien… alors que votre enfant présente déjà des choses.. pas courantes.).

    Cette année, je me suis projetée loin, très loin… à l’âge de la vieillesse et là je me suis demandée comment on s’occupera de NOUS lorsqu’on sera ‘vieux’! Cela ne m’a clairement pas donné envie de vieillir (bon déjà en temps normal on n’a pas envie ! lol mais là… je comprends que certaines personnes en arrivent à ne plus consulter leur médecin/l’hopital !). C’est épuisant.

    • Ludivine dit :

      Pour ta vieillesse, je te conseille de miser sur l’aspect « prévention » histoire d’avoir un bon capital santé et retarder au maximum les gros ennuis de santé. C’est peut-être notre meilleur investissement possible à l’heure actuelle. Toutes les maladies ne sont pas évitables, mais il y en a tout de même beaucoup que l’on peut empêcher de « flamber ».
      Concernant ton fils, l’histoire est clairement complexe, mais que le cerveau ait ou non créé ces problèmes, cela ne change pas les faits : il y a des symptômes et il faut les traiter. Le chamanisme a évolué vers la médecine actuelle justement parce que la psychologie ne pouvait pas tout. Quelque que soit la genèse des problèmes de ton fils, la réalité est la première chose à laquelle il faut s’atteler, en d’autres termes, avant de vouloir changer quoi que ce soit, que l’on soit médecin, psychologue, kiné, parent ou enfant, il faut accepter la situation et la prendre en charge pour que la qualité de vie soit la moins altérée possible.

  4. Olivia dit :

    Chère Ludivine,
    ton blog et très intéressant et je suis contente de le découvrir aujourd’hui.
    Néanmoins, tu parles de la prise de sang et de l’examen comme une pratique obligatoire pour avoir un contraceptif. Or ce n’est en rien obligatoire, en 2007 l’Ordre des Médecins a avalisé l’aspect non-obligatoire des examens gyneco pour prescrire des contraceptifs… vas voir par la pour en savoir plus :
    http://www.martinwinckler.com/article.php3?id_article=307
    La prise de sang correspond donc aussi a un excès de médecine comme ceux que tu blâmes…
    Bon courage pour tes études !

    • Ludivine dit :

      Bonjour Olivia et merci pour ton commentaire. Depuis que j’ai écrit cet article, j’ai eu en effet l’occasion de surfer sur le site de Martin Winckler qui propose des réflexions et alternatives très pertinentes. Il faut savoir que les ouvrages dans lesquels j’apprends en sont encore au stade de la prise de sang avant une contraception orale. J’ai bien retenu que dans la pratique j’allais pouvoir m’en passer chez une patiente sans symptôme ou maladie en cours ;) En revanche, dans l’article il ne s’agissait pas d’une prise de sang avant mise en route d’une contraception, mais d’un suivi de contraception, qui à la date d’aujourd’hui me semble tout aussi facultatif vu mon histoire médicale personnelle, mais bon… idem j’apprends dans mes cours qu’un bilan est à faire tous les 5 ans sous contraception orale !

  5. Fred dit :

    Intéressante ton histoire. La TSH n’est pas justifiée surtout. Le problème est qu’est-ce qu’on fait quand un examen qui n’était pas à demander revient anormal?
    Sinon, pour ce qui est de l’avis endocrinologique, moi même gynécologue, il m’arrive souvent de demander l’avis d’un collègue. Oui, je ne suis pas une bête d’endocrinologie, je n’ai pas palpé de thyroïde depuis 15 ans et je serai donc logiquement mauvais dans cet examen. Je ne le fais pas par instinct « parapluie »… Chirurgien, échographiste, accoucheur, je suis déjà débordé par les tâches que je maîtrise pour ne pas en plus commencer à faire n’importe quoi sur des éléments où je me sais moins performant. Tu verras que l’art de la médecine, ce n’est pas que d’avoir des connaissances étendues mais c’est surtout de connaître ses limites et de savoir passer la main. Interne, il te manque encore tout un pan de la médecine à découvrir. Actuellement tu travailles avec filet, un jour on te le retirera. Un jour (le plus tard possible), tu passeras en CRCI. Et je te l’affirme, les recommandations HAS en CRCI, tout le monde s’en fout. Le seul élément important est « avez-vous mis tous les moyens en Å“uvre pour votre patient, dont l’avis d’un collègue plus expert que vous sur tel ou tel sujet? ». Les recos HAS qui ne valent que ce qu’elles prétendent être (guidelines en anglais est encore mieux adapté): il s’agit de la route conseillée, pas du chemin obligatoire. Rien ne t’interdit de sortir du sentier tracé si tu le juges nécessaire, c’est ce qui te fera passer du praticien technicien au médecin pratiquant son art. Il faut des années pour maîtriser cela et même saisir le sens de mes propos, mais demande à tout vieux toubib, il regardera tes recos HAS avec beaucoup de distance. N’oublie pas que ces recos sont basées sur une politique de santé générale et pas du tout sur l’individu et le cas particulier. Chaque patient est un cas unique. Si tu appliques la même recette à 100 patients qui présentent des signes proches, tu te planteras dans 10 à 20% des cas car tu n’auras pas utilisé ton flair et ton cerveau. On nous forme 11 à 13 ans comme des ordinateurs et on aimerait surtout que cela dure ensuite, d’où ces recos HAS. L’art de la médecine est de désapprendre ce que tu as appris, par l’expérience, les cas particuliers, les pièges que tu rencontreras. Le patient ne se résume pas aux 400 fiches de l’ENC, ni a ces quelques pages de recos, sinon pourquoi y passer plus de 10 ans de notre vie? Bon courage et bonne route dans ta vie professionnelle!

  6. Diane dit :

    Le bon côté c’est que ton médecin a réellement pris el temps de faire tous ces examens avant de prescrire quoi que ce soit. Ce qui n’est pas toujours le cas, et provoque ensuite les scandales que l’on connait quand il y a un souci…
    Diane Dernier article…Choisir sa pilule

Poster un commentaire

CommentLuv badge