Peut-on prévenir le diabète chez l’enfant ? Quels sont les signes qui doivent y faire penser ? Est-ce la même chose que chez l’adulte ? Faut-il prendre des cachets ou faire des piqûres ? Vous vous posez toutes ces questions, alors cet article va vous éclairer. Si vous avez déjà vaguement entendu parlé du diabète ou si vos propres enfants sont touchés, des réponses vous attendent. Quel que soit votre niveau de connaissances en matière de diabète ou de santé, mon objectif est de vous aider à mieux comprendre les enjeux d’avenir de cette maladie chez les enfants.
Diabètes : des histoires très différentes
Dans l’article précédent, je vous expliquais que chez l’adulte, le diabète fait son apparition suite à une rébellion des cellules à l’insuline (insulinorésistance) combinée par la suite à un arrêt de la production d’insuline (insulinopénie). C’est le diabète de type II.
Chez l’enfant, rien à voir. On parle de diabète de type I car son origine est différente du type II. Le diabète de type I se déclare majoritairement chez l’enfant mais attention, il peut aussi se déclarer à l’âge adulte. Dans cette histoire, le pancréas se porte bien et c’est le système de défense de l’organisme (système immunitaire) qui va poser problème. Ce système de défense est composé d’une armée de cellules (globules blancs, lymphocytes pour les plus connus) qui sillonnent en permanence notre organisme dans les moindres recoins. Il y a en a qui surveillent le sang, d’autres les organes, la peau et ainsi de suite. Théoriquement, le système immunitaire repère les éléments qui sont potentiellement nuisibles pour le corps. Le plus souvent il s’agit de microbes (virus de la grippe, des bactéries…) mais il repère aussi toute cellule anormale (exemple : une cellule mutée ou en fin de vie) qu’il s’empresse de détruire. Il arrive que le système immunitaire se trompe et confonde une cellule normale avec un ennemi. C’est ce que l’on appelle une maladie auto-immune. Il en existe des centaines et le diabète de type I en fait partie. L’erreur peut se produire pour n’importe quel type de cellule. Pour le diabète, il s’agit des cellules du pancréas productrices d’insuline (et uniquement celles-ci).
Cette erreur du système immunitaire, on pourrait penser qu’il s’agit d’un hasard, d’une probabilité qui fait que cela tombe sur une personne sur 1000 par exemple, qui va devenir diabétique. Mais cette explication ne suffit pas car il y a souvent des cas familiaux de diabète (tout comme pour d’autres maladies auto-immunes). Il y a donc une transmission de parent à enfant. La maladie se déclenche souvent pendant l’enfance, mais peut apparaître à n’importe quel âge. Cette transmission familiale ne se fait pas à coup sûr car seulement 3 enfants sur 100 développeront la maladie de leurs parents.
En pratique qu’arrive-t-il au pancréas ? La cellule du système immunitaire qui s’est trompée entre cellule du pancréas et ennemi, envoie le message à ses collègues ce qui enclenche la production d’armes “anti-cellules du pancréas”. Ces armes sont multiples et toutes n’ont pas encore été identifiées. Les plus connues sont les lymphocytes (cellules) et les auto-anticorps1 (sorte de grenades). Il y a plusieurs options à imaginer. Soit, les auto-anticorps se fixent sur les cellules du pancréas productrices d’insuline (cellules bêta), s’auto-déclenchent et font “imploser” la cellule. Soit, elles n’arrivent pas à s’auto-enclencher et dans ce cas ont besoin que le lymphocyte viennent enlever la goupille. Dans d’autres cas, les lymphocytes peuvent détruire directement les cellules à insuline2. La destruction va durer plusieurs années chez un enfant qui n’aura absolument aucun signe. Lorsque 80% des cellules bêta seront détruites, la production d’insuline sera trop faible pour assurer l’entrée du sucre dans les cellules. A ce moment l’enfant va changer de comportement.
La triade du diabète
Comme l’adulte diabétique, l’enfant se retrouve sans insuline pour stocker son sucre, il est donc en insulinopénie. C’est un peu comme si il se retrouvait directement au stade avancé du diabète de l’adulte. Seule différence et de taille ! Pas de “caramélisation” des organes, car la production d’insuline s’est arrêtée très rapidement et il n’y a pas eu d’insulinorésistance prolongée (liée à une surcharge pondérale).
Comme son pancréas ne produit plus d’insuline, l’enfant est constamment en insulinopénie. Il a donc plein de sucre dans le sang, beaucoup trop même. Le problème, c’est que ses organes, eux, n’ont rien à manger ! Puisque tout le sucre est dans le sang, il n’est pas dans le foie, dans les muscles, dans le cœur, dans les reins, dans le cerveau etc. Les organes sont donc affamés comme si l’enfant faisait un régime ou plutôt un jeûne. Le résultat est que l’enfant va se mettre à maigrir. De plus, le cerveau ayant remarqué l’urgence de la situation va activer la sensation de faim. L’enfant va se mettre à manger beaucoup plus que d’habitude, il aura tout le temps faim et pourtant il ne grossira pas, voire maigrira (= polyphagie). Autre réaction du corps ; le sucre ça donne soif ! Le glucose crée un appel d’eau dans le sang, comme si le corps voulait “diluer” ce trop plein de sucre. Pour l’enfant, cela sera traduira par une soif intense vu que son sang est comparable à du sirop. Il pourra boire des litres d’eau sans étancher sa soif (= polydipsie). La conséquence de toute cette eau est que les reins qui gèrent entre autre la quantité de liquide du corps vont éliminer l’eau et le trop-plein de sucre. On aura donc une grande quantité d’urine produite (= polyurie) et l’enfant aura tendance à se lever la nuit pour aller faire pipi ou mouillera son lit s’il n’a pas le temps de courir aux toilettes. Ce signe est particulièrement utile chez les enfants qui recommencent à faire pipi au lit (= énurésie) après qu’ils aient arrêté pendant plusieurs mois. Ne paniquez pas non plus si votre enfant se lève une fois dans la nuit pour aller aux toilettes ; posez vous des questions si cela persiste et est de l’ordre de 2-3 fois par nuit. Enfin, la conséquence de tous ces manques au niveau du corps, font que l’enfant se sent très fatigué.
En résumé l’enfant va : boire plusieurs litres d’eau par jour + aller tout le temps faire pipi + il mangera beaucoup plus sans prendre de poids + fatigue intense.
Et si il n’y a pas de signes, comment on fait le diagnostic ?
Si l’entourage ne note pas de signes, le diagnostic sera fait dans tous les cas à l’occasion d’un point “limite” que le corps va dépasser. Il arrive un moment où il n’y a plus du tout d’insuline produite et dans ce cas, malgré la nourriture mangée, malgré l’eau bue, le corps ne suit plus. L’enfant se trouve affamé, assoiffé, et pour trouver de l’énergie, les cellules du corps vont utiliser les “réserves de grande famine” que sont les graisses du corps. Seulement voilà, ce n’est pas dans le but de perdre du poids que les graisses sont utilisées, c’est dans le but de produire de l’énergie et cela crée une grande différence.
Le mécanisme de transformation des graisses (= lipolyse) en énergie crée des “déchets” (= corps cétoniques) tant la production d’énergie doit être rapide ! Le résultat est que ces déchets vont encore plus dérégler le corps (en acidifiant le sang) et l’enfant va commencer à se sentir mal. Il aura toujours aussi faim et soif, mais la modification de son sang va influer sur tout son corps et il va avoir mal au ventre, envie de vomir, va respirer de plus en plus vite et bientôt perdre connaissance. C’est généralement le moment où les personnes en présence de l’enfant paniquent et appellent le SAMU. Une fois les secours sur place, mesurer le taux de sang dans le sucre au bout de doigt se fait en deux secondes et le diagnostic est rapidement établi car tout le sucre est bloqué dans le sang (glycémie très élevée).
Quand on sait, on fait quoi ?
A partir du moment où la médecine a posé le diagnostic de diabète de l’enfant, va suivre toute une panoplie d’examens divers destinés à faire un “bilan de départ” de l’état du corps de l’enfant. Le diabète étant rapidement apparu, il n’y a pas encore de dégâts, les organes sont en bon état et il n’y a pas de différence avec un enfant non diabétique. Seulement, cela peut changer, car comme nous l’avons vu pour le diabète de l’adulte, sans insuline, il y a du sucre dans le sang et donc une caramélisation des organes.
Sauf que dans notre cas, il s’agit d’un enfant et il est seulement au tout début de sa vie. L’enjeu est alors d’avoir un taux de sucre dans le sang le plus stable et le plus optimal possible (1 g/L). Pour vous illustrer le “pire cas” en l’absence de traitement du diabète chez l’enfant, j’ai une petite histoire bien triste à vous faire partager. Lors d’un stage en psychiatrie, j’ai rencontré un patient âgé de 30 ans qui étai hospitalisé pour dépression. En discutant avec lui et après avoir consulté son dossier médical, j’ai compris qu’il était diabétique de type I (donc le diabète de l’enfant) et qu’à l’adolescence, il avait totalement arrêté de prendre son traitement (ses parents ne pouvaient l’y forcer). J’avais également l’impression que sa vue n’était pas très bonne car il ne me regardait jamais exactement dans les yeux, comme si il ne me voyait pas. En effet, sa vue était pratiquement nulle et il ne distinguait que les formes sans plus de précisions. Ses reins étaient également défaillants et il allait régulièrement en néphrologie (service qui s’occupe des reins) pour la dialyse. La dépression n’était finalement que le résultat de tout le reste. Ce jeune homme était vraiment l’illustration tristement parfaite des dégâts que peut créer le diabète si il est négligé. Je ne vous raconte pas cela pour vous déprimer ou vous faire peur, mais simplement car ce que disent les médecins sur ce point, n’est pas du tout de l’ordre de la légende.
Après cette minute de réalité, voyons un aspect plus “positif” du traitement du diabète de l‘enfant. Comme le pancréas ne produit plus la moindre goutte d’insuline, il n’y a pas lieu de le booster avec des cachets. Il faut directement passer à l’insuline. Ce sera le seul traitement : des injections plusieurs fois par jour pour faire rentrer le sucre des repas dans les organes qui en ont besoin. Au début ce sera aux parents d’apprendre à faire les injections, mais très vite les enfants peuvent se débrouiller. C’est un peu une leçon à apprendre en plus. Évidemment il faut surveiller, mais cela se passe généralement bien.
Il est sûr qu’au début, c’est la panique à bord. “Mon enfant est diabétique, mais comment je vais faire ? Est-ce que c’est compliqué à gérer ?” etc. Je ne vais pas entrer dans les détails du traitement, mais dans les grandes lignes, il faut rester logique. Je mange du sucre ou n’importe quel repas, je m’injecte de l’insuline pour faire entrer le sucre dans les cellules. Après, il y a de toute manière une “formation éducative” à suivre pour l’enfant et sa famille. Les infirmiers vous expliquent tout.
Le seul problème est l’adolescence. C’est la période la plus critique pour un enfant diabétique. C’est le moment où l’on voit ses amis prendre des libertés, enfreindre les règles, également prendre des risques et lorsque l’on est diabétique, on sait bien que ce n’est pas possible à cause du traitement. Il faut surveiller sa glycémie, s’injecter de l’insuline, et cela peut être vu par les copains comme une “contrainte”, ou bien l’adolescent lui-même n’a pas envie que ses copains sachent qu’il est “malade”, qu’il doit prendre des médicaments. Ce n’est pas toujours la règle, mais cela arrive trop souvent. Comment éviter cette situation ? Il n’y a pas de solution miracle bien entendu, car chaque enfant a sa propre personnalité et est sensible à différents stimuli, mais j’aurai envie de dire qu’il faut “préparer” l’enfant à cette période de sa vie. Lui expliquer clairement qu’il aura certainement envie d’arrêter son traitement, lui dire les conséquences que cela peut avoir et quels sont les “écarts” qu’il peut se permettre. Il faut qu’il connaisse bien sa maladie pour se sentir responsable. Enfin, lui proposer une adaptation du traitement, à voir avec le médecin.
Dans le but ”d’adapter le traitement”, une solution de plus en plus utilisée, notamment chez les enfants pour son aspect “pratique” est la pompe à insuline. Il en existe différents modèles, mais son avantage est qu’elle évite les injections multiples dans la journée. On installe un petit tuyau d’un millimètre dans le ventre (qui fait office de perfusion et de capteur) qui est relié à un boitier que l’on accroche à la ceinture, contenant un flacon d’insuline et un logiciel de contrôle avec un écran. Le logiciel va mesurer la glycémie et proposer des injections d’insuline en fonction du taux de glycémie. C’est un système qui est vraiment très apprécié des diabétiques de “longue date”.
Voici une vidéo de témoignage de deux enfants sous pompe à insuline. Dans leur esprit, vous noterez que le diabète c’est très simple, beaucoup plus que pour nous les adultes. Certes certaines choses leur échappent, mais il faut tout de même reconnaître que le traitement par insuline, lorsqu’il est bien compris et bien suivi, permet d’avoir une qualité de vie quasi-identique à celle d’un non diabétique.
En conclusion, le diabète chez l’enfant n’est pour l’heure ni prévisible, ni évitable. Certes c’est une maladie à vie, qui ne se guérit pas pour l’instant, mais il y a un traitement qui existe et qui est vraiment efficace. Comme dans toute maladie chronique, le suivi médical régulier est très important pour évaluer l’état de votre corps. Si les médecins ne répondent pas à vos questions, ne vous rassurent pas et que vous avez des craintes sur cette maladie, allez rencontrer des gens qui vivent avec le diabète, allez vous renseigner auprès des associations de diabétiques. Injecter du vécu est le meilleur traitement contre les préjugés.
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Crédit photo : Jill A. Brown
Référence 1 : http://www.sante.univ-nantes.fr/med/ticem/ressources/175.pdf
Très bon article, bien expliqué. Étudiant la communication hormonale on va dire que c’est pour cela que je n’ai eu aucune difficulté à comprendre.
Juste une petite chose : en tant que féministe convaincue je râle quand je lis « Les infirmières vous expliquent tout. », je sais, je sais, les femmes sont majoritaires dans ce métier mais le masculin est neutre ^^
La vidéo est bien car dedans y est précisé que le fait de s’injecter de l’insuline peut faire brutalement chuter la glycémie, ce qui explique le paradoxe des diabétiques de type I qui doivent en permanence avoir du sucre sur eux.
Donc très bien cet article.
Merci Estelle : ) allez je change les infirmières par « les infirmiers ».