Quel est l’intérêt de s’interroger sur la nature de la relation médecin-patient ? Cette question revient à porter une réflexion sur les attentes, voire les exigences des patients envers leurs médecins et sur les réponses qui leur sont données.
Article invité proposé par Chrystèle Bourély du blog-antistress.com
Le médecin et le patient
Un médecin est une personne, titulaire du diplôme de Docteur en médecine, qui exerce « l’ensemble des connaissances scientifiques et des moyens de tous ordre mis en œuvre pour la prévention, la guérison ou le soulagement des maladies, blessures ou infirmités ».
Le patient peut être une personne malade, qui sollicite d’un médecin l’obtention des meilleurs soins possibles, mais aussi être une personne non malade qui demande à recevoir en prévention des conseils médicaux.
L’image du médecin dans l’inconscient collectif et l’évolution de la relation médecin-patient
Dans l’inconscient collectif, le médecin est un personnage puissant, un être infaillible et doté d’un pouvoir quasi magique.
Aux origines, le médecin est le « gardien de l’intérêt du patient ». Lui seul, ayant le savoir et l’expertise, prend les décisions. Le patient, étant ignorant, doit lui rester soumis.
Les seules limites à un tel « modèle paternaliste » sont le devoir fait au médecin de prévenir et de supprimer la souffrance du patient et l’obligation de ne pas lui nuire. Il s’agit de la fameuse locution latine « primum non nocere » qui signifie « d’abord, ne pas nuire ». Quant au patient, sa seule liberté est de pouvoir changer de médecin.
Avec les lois du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (dite « loi Kouchner ») et du 22 août 2002 relative aux droits du patient, le patient devient acteur de sa santé. Il n’est plus une personne ignorante et totalement passive face à un médecin tout puissant, mais celui qui prend les décisions relatives à sa santé, après avoir pu bénéficier d’une « information claire, loyale et appropriée » de la part du médecin.
Dorénavant, le médecin n’est plus autorisé à mettre en œuvre un traitement sans avoir obtenu, au préalable, le « consentement éclairé » du patient (exception faite des patients qui ne sont pas dans la capacité d’exprimer leur volonté, il s’agit de ce qu’on appelle en droit les « personnes incapables » mineures et majeures).
La relation médecin-patient : un « colloque singulier »
Les termes « colloque singulier » ont été utilisés par Michael BALINT pour désigner la rencontre entre un médecin « détenteur d’un savoir » et un patient « détenteur d’un problème », qui vont « collaborer dans le cadre d’une relation d’expert, pour la résolution commune de ce problème ».
Il est intéressant de préciser l’existence, dans les années 1950, d’un mouvement médical qui se proposait de reconsidérer le problème de la relation médecin-malade-maladie. Michael BALINT, psychanalyste et médecin généraliste anglais d’origine Hongroise (1896-1970), faisait le constat d’une insuffisante prise en compte des facteurs psychologiques par les docteurs généralistes dans les traitements prescrits. En tant que praticien, il axait son œuvre et ses réflexions sur la pratique médicale et sur les questions relationnelles. Face au médecin, le malade se trouvant être dans une forme de régression était amené à rester dans un rapport de domination. Le patient devenait alors, comme la maladie, un « objet à soigner ».
Pour ce médecin et auteur, il y avait déjà nécessité de mettre en place une relation dans laquelle le patient ne pourrait plus être seulement identifié par rapport à sa maladie mais deviendrait un sujet à part entière et pleinement acteur de sa santé.
La nature de la relation médecin-patient
La relation de soins qui s’établit avec le patient consiste en un dialogue, dans lequel le médecin doit négocier, transiger et trouver un compromis avec son patient. Il s’agit d’un contrat entre un patient et un médecin, d’« un défi à relever ensemble ». Au cours de ce dialogue, le médecin doit faire preuve d’une « écoute attentive ».
Celle-ci participe à la guérison du patient. Il s’agit du concept de « remède-médecin » que Michael BALINT désigne comme étant la « fonction apostolique » du médecin : le médecin représente le 1er médicament du patient.
« Ecoutez le malade : il vous dit le diagnostic. » OSLER.
Le médecin, mais quel médecin ?
Le terme de « médecin » peut désigner aussi bien le médecin généraliste que le spécialiste de telle ou telle pathologie, un médecin de ville ou bien un médecin exerçant à l’hôpital.
Dans cet article, je vise principalement la relation qui s’établit entre les patients et leur médecin généraliste, ce dernier étant censé être le médecin qui connaît le mieux ses patients (les occasions d’aller consulter son médecin généraliste sont nombreuses : rappel de vaccination, établissement d’un certificat médical, traitement d’une angine, etc.).
Depuis 2007, le médecin généraliste est placé au centre de la relation de soins. Il est devenu le « médecin traitant » dont le rôle est de coordonner le parcours de soins du patient, afin d’éviter la répétition inutile d’examens. L’objectif officiel de l’existence du statut de médecin traitant peut se résumer en une phrase : « soigner mieux en dépensant mieux ».
Les attentes du patient
Les patients attendent de la part du médecin une explication sur ce qu’ils ont et sur la démarche à suivre. Ils souhaitent être pris en considération, être aidés en tant que sujets, mais aussi être écoutés, être informés, être soulagés et être respectés.
De nos jours, on assiste à une surmédicalisation qui conduit les patients à une surconsommation de médicaments, du fait notamment de la peur pour leur santé dont l’origine provient principalement des médias et de l’industrie pharmaceutique.
Face au patient demandeur et consommateur, on trouve alors un médecin prescripteur de médicaments.
La santé serait-elle en voie de devenir un marché comme un autre ?
Ce serait oublier l’importance, au-delà du savoir scientifique du médecin, de ses qualités humaines et de sa personnalité. Savoir écouter et rassurer le patient, dans sa fonction de « remède médecin » prend ici tout son sens, d’autant plus lorsque l’on sait que près d’un quart des consultations médicales sont relatives à des motifs psychologiques.
A la recherche d’un « bon » médecin
Certains médecins généralistes constatent l’inadaptation de la formation universitaire reçue. En effet, les connaissances acquises ne sont pas toujours adaptées à leur pratique future de la médecine généraliste et la formation humaine et psychologique fait défaut.
Pourtant il est important que le médecin ne soit pas fermé à la dimension psychologique qui existe dans la plupart des pathologies. Les qualités humaines du médecin, en particulier l’écoute du patient, sont primordiales pour une relation médecin-patient de qualité.
Mon expérience personnelle me montre combien la confiance que l’on accorde à son médecin et l’écoute qu’il nous confère sont les deux éléments essentiels à l’existence d’une relation de qualité avec son médecin généraliste.
Perdre confiance en son médecin et devoir alors trouver un nouveau médecin traitant peut représenter un véritable problème, surtout lorsqu’étant atteinte d’une maladie chronique on est amenée à devoir consulter régulièrement un médecin.
Jusqu’en juillet 2007, date du diagnostic de sclérose en plaques, j’avais pleinement confiance en mon médecin de famille, une doctoresse qui me connaissait depuis plus de 20 ans et qui soignait également les autres membres de la famille.
Le jour où je suis retournée la voir afin de lui remettre les résultats des différents examens prescrits un mois auparavant – je me souviens, c’était le lundi 23 juillet 2007 – et que j’ai trouvé la porte fermée (congés annuels, réouverture après l’été !), je me suis sentie complètement abandonnée et seule face à mes doutes et à ma souffrance. A partir de cet instant, j’ai su que je ne pourrais plus jamais lui faire confiance et qu’il me fallait partir à la recherche d’un nouveau médecin traitant.
Je suis assez d’accord avec la définition du bon médecin, dans l’inconscient collectif, qui est donnée par le docteur Martin WINCKLER. Il s’agit d’un médecin « dévoué, proche, sympa, patient, ouvert, bon, humaniste, compatissant, fort, rassurant, fiable, fin diagnosticien, habile praticien, subtil confident et parfait adepte de la neutralité bienveillante ».
Conclusion
Comme tout être humain, le médecin a ses défauts et ses limites. Il ne peut pas lui être reproché d’être passé à côté du bon diagnostic si aucune faute ne lui est imputable.
Mais comme je l’ai dis lors d’une interview : « nous avons besoin d’une relation de confiance avec nos professionnels. En plus, nous avons des choses intéressantes à leur dire au sujet de notre corps et de la maladie. Cela peut faire progresser la médecine. Aidons les médecins à nous soigner ! »
Un patient informé, documenté et qui s’interroge ne peut que venir enrichir les échanges et contribuer à améliorer la qualité de la relation médecin-patient.
Et selon vous, quelles sont les qualités que votre médecin devrait posséder ?
Sources :
Thèse médicale d’Elodie MALUEZIN « La relation médecin-patient à l’ère de la médicalisation. Point de vue de trois médecins généraliste et écrivains contemporains », 2010.
Michael BALINT, « Le médecin, son malade et la maladie », 2003, PAYOT.
Code de déontologie médicale.
Crédit photo : Pierryl Peytavi
Très bel article, il inspire la réflexion … ai-je bien choisi mon médecin traitant? Il y a t’il une confiance mutuelle suffisante pour une prise en charge optimale lorsqu’un problème de santé se présente?
Je pense que la confiance s’instaure dans la relation médecin patient au fil du temps. C’est justement l’attitude du médecin et surtout sa capacité à établir le bon diagnostic et les bons examens qui va être déterminante pour la suite de la relation : puis-je avoir confiance en mon médecin généraliste ? Oui, si j’ai été satisfaite. Non, s’il a été complètement à côté de la plaque (sans jeu de mots !)
Très bon article.
Voilà trois ans que j’ai changé de ville, je suis beaucoup trop loin pour continuer à être suivie par mon médecin de famille. C’est la croix et la bannière pour trouver un bon médecin généraliste : consultations expéditives, médecins qui ne tiennent pas compte de ce que dit le patient, incapables de faire certains soins (entre autres dermatologiques). J’ai finit par en choisir un mais qui ne me convient pas complètement.
Mon ancien médecin faisait pas mal de soins de base (vaccins, suivi gynéco, dermato…) et avait une formation d’ostéopathe.
Impossible de trouver l’équivalent dans ma grande ville sans payer minimum 35€ la consultation.
Je me demande si les médecins des villes ne sont pas tout simplement plus distants et moins intéressés par leurs patients que les médecins de campagne qui suivent des familles (au sens large) entières.
Je suis tout à fait d’accord avec votre dernière remarque. Effectivement, les médecins qui connaissent tous les membres d’une même famille ont tendance à « s’attacher » à leurs patients et donc à davantage s’investir pour eux. Mon médecin généraliste actuel, que je connais depuis maintenant 4 ans, connaît mes parents, mon frère, ma tante etc .. ! Je ne lui fais pas confiance pour tout mais par contre il est toujours prêt à nous donner un RDV en urgence en cas de besoin. Et le fait qu’il soit le médecin de la famille facilite le dialogue. Quoique parfois je le trouve un peu trop familier à mon goût (il aime sortir des blagues !), ce qui a tendance à le déconcentrer (Docteur, faut-il vous rappeler pourquoi vous êtes là ?! me soigner !)
Mon médecin traitant se fait souvent remplacer par des jeunes. J’adore ça ! Les 5 jeunes que j’ai rencontrés sont totalement à l’écoute et pédagogues, j’ai un vrai dialogue de confiance avec eux.
Alors que mon médecin habituel est ‘blasé’. Ce que je ne peux lui reprocher, tant on connaît les difficultés du métier.
Pour les absences estivales, vu qu’il y a une pénurie de médecins, on ne peut guère reprocher certaines fermetures, sauf si le praticien n’a pas essayé de se faire remplacer et qu’il n’a pas prévenue.
Dans mon cas, je prends RDV sur Internet et le nom du praticien est affiché sur le planning.
Merci pour votre commentaire.
Je suis d’accord qu’on ne peut reprocher à son médecin généraliste de vouloir partir en vacances !
Cec dit, j’avais pensé que mon médecin de famille aurait pu me prévenir qu’elle s’absentait durant l’été. Elle se doutait bien que j’aurais besoin d’elle après l’annonce du diagnostic de SEP, dont elle devait bien se douter j’imagine. Elle s’est contentée de me donner une lettre pour le neurologue et de me conseiller d’aller en consulter un au plus vite.
Ce médecin était du genre à ne jamais prendre ses patients en RDV, uniquement en consultation à son cabinet aux horaires qu’elle souhaitait leur accorder.
Je sentais bien qu’elle refusait de s’investir réellement.
Parfois les médecins ont une attitude de »fuite » devant l’annonce d’un diagnostic d’une maladie chronique.C’est comme s’ils ne savaient pas comment l’annoncer.Je comprends votre réaction,on se sent abandonné au moment où on en aurait le plus besoin.
J’avais un médecin traitant dont j’étais satisfaite pendant 20 ans et je me suis retrouvée avec un diagnostic
pas facile,il me l’a annoncé mais en précisant tout de suite qu’il ne peux pas soigner cette maladie!
J’ai dû aller ailleurs.
[...] complément de mon article invité sur le blog de Ludivine (http://l-ordonnance-ou-la-vie.com/relation-medecin-patient) sur le thème des relations patient-médecin, je vous livre ici quelques témoignages extraits de [...]
J’aimerai répondre à la question: quelles sont les qualités que votre médecin devrait posséder?
La principale est:l’écoute et la même si vous êtes suivi par lui depuis 1 mois ou 10 ans.Ensuite sa remise en question et sa remise à niveau permanente.En résumé il ne doit pas devenir « routinier ».
A nous, patients d ‘être vigilents et acteurs de notre santé et de notre suivi .C’est à dire pas de confiance aveugle et passive.
Une autre qualité est de ne pas prescrire avec facilité: c’est à dire pas tout ce que vous pouvez lui demander sans qu’il se renseigne pourquoi vous le voulez? Si c’est un bon médecin vous ne devez pas avoir une ordonnance à rallonge! Si la confiance régne on doit aussi pouvoir lui dire ce qui déplait et poser toutes les questions qui viennent à l’esprit.Ne pas oublier qu’un Médecin est avant tout un être humain avec ses qualités et ses défauts.
Parfois certains médecins ne répondent pas aux questions qu’on leur pose. J’en ai reçu un exemple ce matin même quand j’ai été consulter un urologue spécialisé en neurologie au CHU : docteur, comment ce passe un bilan urodynamique ?
Il s’est contenté de me demander de faire une ECBU une semaine avant le RDV .. qui a été pris dans deux mois par sa secrétaire !
Au final, je préfère rappeler mon urologue de ville et voir avec lui si cet examen pourrait être fait au plus tôt. Parce que moi entre temmps, je souffre chaque nuit de brûlures et de réveils nocturnes 4 fois par nuit !
Bref, avec certains médecins poser des questions ne semble pas être possible. Dans un tel cas, je ne reviens pas.
Mon urologue souhaitait avoir l’avis d’un spécialiste. Il a eu sa réponse : faire un examen complet. Je pense qu’il aurait pu de lui-même trouver la réponse !
Moi en tant que patient, je suis quelque peu étonné … d’une telle perte de temps !
Il n’a été capable que de me répéter que selon les résultats de l’examen, je devrais passer à la pratique de l’auto sondage sans réaliser que ce n’est pas trop mon rêve à 40 ans ! Là pour le coup il aurait pu attendre pour donner une telle info.
Bonjour Ludivine.
Je vous remercie pour tous vos petits conseils. Ils sont extrêmement utiles et m’ont aidé à faire un choix quand je devais choisir un médecin. La relation entre le médecin et son patient est très importante afin que ce dernier puisse se sentir en confiance.
Encore merci.
Le médecin a ses limites et mon droit le plus précieux est de refuser un traitement si je le veut.
La relation entre médecin et patient doit être basée sur la confiance. Lorsque cette confiance est brisée d’une manière ou une autre, c’est la porte ouverte à toutes sortes de déviations…
C’est un très bon sujet. Je trouve d’ailleurs que la perception de la médecine en France ne favorise pas cette relation et que beaucoup de médecins la négligent. Il n’y a qu’à voir la différence entre un diplomé d’une école de médecine et un praticien de médecine alternative dont la relation au patient est le premier vecteur de succès…
Les réformes en cours dans la médecine libérale laisseront sans doute des traces dans la relation médecin-patient du fait de la stigmatisation de l’ensemble des praticiens libéraux qui a accompagné la propagande gouvernementale relative au plafonnement des honoraires médicaux.
un document interessant : http://www.edudoc.ch/static/infopartner/periodika_fs/2000/EP_Education_permanente/Ausgabe_03_2000/ep0322.pdf