Vous avez été nombreux à lire ou commenter l’interview de Thibault Vincent sur le site d’Olivier Roland « Des livres pour changer de vie ». Lors de son entretien, Thibault explique son choix d’expérimenter pendant un mois le sommeil polyphasique de type Uberman qui consiste à dormir uniquement par siestes de 20 minutes toutes les 4 heures. Avec cette méthode, il arrive à rester éveillé 22 heures sur 24 et ne se repose que 2 heures. Impressionnant ! et plutôt attirant pour tous ceux qui trouvent que le temps passe trop vite. Mais que peut bien penser votre médecin de tout ça ? Quelle sera la réaction et les arguments qu’il vous opposera si vous tentez d’aborder le sujet ? Car comme le dit Thibault avec beaucoup d’humour et de vérité, au début « votre cerveau va vous prendre pour un fou ! » et il ne sera pas le seul. Voici quelques éléments de réponse…
Ce que dira votre médecin :
Dans le domaine médical, les habitudes ont la vie dure. Les médecins n’aiment généralement pas beaucoup s’éloigner des sentiers battus ; alors leur dire que l’on ne dort que deux heures par jour ne va pas avoir pour effet de réveiller une flamme aventurière en eux. Ils ne pourront pas cautionner votre expérience sur vous-même car ils ignorent les effets qu’elle peut produire à long terme. En effet, aucune étude n’a été menée ou validée par les organismes médicaux officiels sur le sujet. Pour lui, vous dépendez de la privation de sommeil pure et simple et encourrez des risques, dont celui de voir :
- Votre pression artérielle ou tension artérielle augmenter en raison du stress cellulaire engendré par le manque de sommeil.
- Votre glycémie risque également d’augmenter ou taux de sucre dans le sang, ce qui équivaut à un dérèglement du fonctionnement de votre pancréas, voire à long terme, développer un diabète. Globalement le pancréas régule une partie de la digestion par le biais de plusieurs hormones dont l’insuline.
- Votre sécrétion de cortisol peut également se retrouver perturbée. C’est une hormone qui peut avoir un rôle bénéfique ou délétère selon les conditions de vie. Elle s’occupe de nous réveiller le matin en augmentant mais peut aussi se transformer en « marqueur de stress chronique » de l’organisme si elle est sécrétée trop souvent, trop longtemps.
- Vous aurez plus souvent faim (en raison de l’augmentation de la sécrétion de ghréline et de la diminution du taux de leptine) ce qui risque de vous amener à augmenter vos apports alimentaires avec un risque de prise de poids.
- Vos capacités psychiques vont s’en ressentir avec difficultés de concentration, fatigue, sensation de semi-éveil, absence de dynamisme et risque de dépression. A un degré supérieur peuvent apparaître des maux de tête ou des vertiges ; reflets le plus souvent d’un surmenage psychique.
- Enfin, plus spécialisé, certaines maladies comme l’épilepsie ou certaines affections psychiatriques telles que les troubles bipolaires, réputées pour être « sommeil-dépendantes » risquent d’être exacerbées ou décompensées par le manque de sommeil.
Voilà pour les principaux. Tout type de dérèglement est possible, mais ceux-ci sont ceux qui ont été les plus « explorés » par les études.
Ce qu’il faut nuancer dans ses propos : face à un tableau théorique aussi alarmiste, plusieurs éléments me font douter de son extrapolation absolue dans les sommeils polyphasiques restrictifs, car contrairement à la privation pure et simple de sommeil, il y a :
- Un certain respect de l’organisme et de ses besoins avec des périodes réservées au sommeil, de manière régulière (exemple : toutes les 4 heures).
- Une adaptation du style de vie (activités, alimentation, sport) : en effet, même si la sensation de faim est augmentée, rien ne vous empêche de ne pas y répondre et de limiter les repas ou bien d’en faire un ou deux de plus mais plus légers, ce qui équivaut à avoir le même apport, mais fractionné. Le sport également est presque nécessaire car il permet d’améliorer les sécrétions hormonales.
- Le simple fait que des personnes tiennent ces rythmes de sommeil durant des années est en soi un élément non négligeable !
Au final : les arguments apportés par votre médecin concerneront ce que l’on sait du manque de sommeil « involontaire » ou « imposé » et qui n’implique pas de siestes régulières. Et c’est peut-être là que s’affiche toute la nuance, car personne ne peut répondre d’un point de vue « objectif » à cette question du sommeil polyphasique car il n’y a pas d’étude validée dans ce domaine.
Les enfants dorment en polyphasique sans que cela ne pose problème, mais ils dorment un nombre d’heure équivalent (voire supérieur au début) à celui des rythmes Uberman et Everyman.
Concernant les navigateurs qui adoptent le sommeil polyphasique, ils ne le font que de manière temporaire. Qu’en serait-il de leur état physique s’ils faisaient cela durant plusieurs années sans interruption ? Pas de réponse.
La motivation joue également beaucoup car ceux qui choisissent de dormir selon ces rythmes le font volontairement et éduquent leur psychisme en ce sens. Dès lors, difficile de savoir quel effet « protecteur » un bon mental pourra avoir sur l’organisme.
A mon sens, l’essentiel, et comme le fait très rigoureusement Thibault, est de rester un minimum à l’écoute de son organisme. Dire à son cerveau, tentons l’expérience et la poursuivre oui ; mais savoir faire une pause d’une nuit complète lorsqu’il y a de réels signes de fatigue psychologique est le meilleur moyen de se préserver.
Thibault Vincent : Lifestyle Experiment and Adventures
Olivier Roland : Des livres pour changer de vie
Intéressant !
Personnellement, ça me fait peur. Le corps a besoin de plusieurs heures pour régénérer ses cellules durant la nuit, et 2h ça me parait pas suffisant.
On verra le résultat dans 20 ans si les adeptes continuent
.
Merci pour vos commentaires
Personnellement ce n’est pas tant l’aspect dangereux pour la santé qui m’intrigue le plus dans l’affaire. Comme vous avez noté à juste titre, le manque de sommeil fait vieillir plus vite en réduisant le temps nécessaire au « nettoyage » des cellules et augmente inévitablement le taux de mutations et de fil en aiguilles on s’épuise. Mais généralement, lorsque l’on est fatigué on tombe de sommeil c’est le cas de le dire et ce qui étrange c’est que ceux qui dorment en « fragmenté » arrivent à y résister. Personnellement, je peux lutter quelques jours mais après, je suis obsédée par l’idée de dormir, un peu comme ceux qui suivent des régimes le sont par l’idée de manger ! Comment expliquer que ce ne soit pas leur cas?
Ton point de vue de médecin est très intéressant, quant à moi je dois m’en référer au simple bon sens, et priver son corps de sommeil sur le long terme ça me parait vraiment pas sain. J’ai une amie qui m’a dit un jour « si tu ne dors pas tu vieillis plus vite » en parlant d’une amie à elle qui ne dormait pas assez, je crois qu’elle a p’tet bien raison !
En fait, ils ne passent plus par les phases de sommeil léger et profond : ils ne fond que du sommeil paradoxal, donc ils ne sont pas fatigués.
Mais il semblerait que le sommeil léger et profond soient nécessaires à une bonne santé.
C’est un sujet qui me fascine…..
ça me parait assez compliqué car ça dépend de chaque individu et de ses réels besoins de sommeil….
Il existe des personnes qui ne dorment que 4 ou 5 h et des personnes qui ont besoin de dormir plus de 8h…..
Et encore des lève-tôt et des couche-tard, des lève-tard et des couche-tôt !!!!!
Si on adopte cette méthode, comment déterminer nos vrais besoins ?
Il y a un autre souci : comment dormir et se réveiller le plus naturellement au bon moment, après avoir bien respecté les cycles nécessaires au bon déroulement d’un sommeil?
Je ne sais pas si je suis assez clair ainsi…. :-s
Personnellement j’ai remarqué que si je ne dors pas assez (« nuit blanche » ou presque), la nuit suivante je fais systématiquement une crise de somnambulisme.
Enfant j’étais très souvent somnambule et cela s’est calmé avec « l’âge » sauf lorsque je ne dors pas assez justement.
Et lorsque je suis somnambule je peux même sortir d’un bâtiment sans m’en rendre compte (ce qui m’est déjà arrivé)!
Donc pour moi il est vraiment indispensable d’avoir un bon quota d’heure de sommeil
En voilà un sujet fort passionnant et les réactions sont tout aussi intéressantes qu’hétéroclytes.
C’est un sujet qui fascine, par le côté performance (dormir 2h/24, waou!!)et par le gain de temps potentiel, fantasme de notre société moderne qui va toujours plus vite et récompense le plus productif.
Je vais, tu le sais déjà, m’orienter vers le côté psychologique de l’expérience.
Je te rejoins sur le facteur excitation. Pour avoir été cobaye (pardon, SUJET ^^)de différentes expériences, notamment sur le sommeil, je sais qu’on est capable de bien des performances et de bien des ressources dans des conditions particulières.
Mais au long cours, ou dans l’idée d’adopter ce rythme au quotidien, je pense aussi que nous ne sommes pas égaux. Comme le dit Arnaud, certains ont besoin de 9h de sommeil, d’autres que de 4-5, les lève-tôt, les couche-tard, etc…
Quand bien même réalisable cette technique ne me parrait pas applicable dans notre société, dans nos vies et demande une vraie discipline. Habitudes de sommeil à respecter à la lettre. Chose qui n’est aujourd’hui touché du doigt que par les work-addict (ou les work-victims pt-ê…) qui appuient sur l’interrupteur ON/OFF du sommeil, à coup de somnifère et d’excitant. Cercle vicieux.
(cf. conférence sur les consommations ‘modernes’ de psychotropes avec Dr ROHMER, psychiatre aux HUS).
Je pense comme d’autres que notre corps a besoin de plus d’heures de sommeil consécutives pour une réelle régénération, sans dénigrer les bienfaits merveilleux de la sieste, même brève.
Je laisserai aux spécialistes le soin d’énumérer les problèmes d’ordre physiologique: sécrétions diverses, rythme biologique de tel ou tel système, la faim et l’alimentation… même si mangeant plus on brûle plus de calories en étant actif 22h/24.
Pour conclure, j’aime les dictons de grand’mère. Ils sont d’une simplicité foudroyante mais souvent cachent une clairvoyance impressionnante.
Heure du commentaire: 3h50!!! Pourquoi je dormirais??…
Un des amis de mon fils (20 ans, étudiant) s’est lancé dans cette expérience, dans le but de dégager du temps pour lui. Sa mère m’a dit que ça se passait bien. Il faudra que je lui demande des détails.
Ne te retiens pas de poster tous les détails
Tiens, je parcourais votre blog et que vois-je ? Un article sur le sommeil polyphasique !
Pensez vous pratiquer vous aussi ? Pour ma part je fonctionne certaines périodes en sommeil « classique » et plus grosse partie du temps en everyman, d’ailleurs j’ai écrit un article sur mon expérience ici : http://identitools.fr/actu/124-heures-par-mois-pour-vos-projets
Vegan, Polyphaseur, Intégrateur web : je suis un extra-terrestre ^^