Inexorablement tabou, le suicide reste un des sujets les plus controversés à travers les siècles. Passant de « bien » à « pas bien » et vice-versa, il reste une pratique courante dans notre société. La médecine en étant le témoin direct, j’ai eu envie de vous en dresser un portrait d’actualité.
Dans les médias, lorsque l’on entend parler du suicide, ça donne quelque chose du genre « Monsieur X à découpé toute sa famille, puis a sauté du pont ou s’est jeté sous un train », ou encore « Monsieur Y a criblé de balles ses parents puis a retourné l’arme contre lui ». A l’évocation de ces images fort sympathiques, on est généralement traversé par un frisson ou bien un « aïe ! ». Oui, le suicide, ça fait mal. Et généralement c’est bien ce qui nous retient.
Pourtant, dans la réalité des urgences et de la réanimation, le suicide c’est plutôt « Y’a Madame Machin qui a encore avalé ses boîtes de Xanax et de Citalopram. Pff, c’est quand même la troisième fois, ils font quoi les médecins…? ». En effet, on se le demande. Pour répondre à ces interrogations qui je l’espère sont devenues les vôtres après ces quelques lignes, je vous propose successivement 3 angles de vue : celui du médecin, celui des patients et celui de la médecine fondamentale.
Les médecins : Pourquoi tant de haine ?
Force est de constater que les médecins ne sont pas très friands des tentatives de suicide qui échouent. Si elles réussissent, le sujet est clos, ça devient l’affaire du médecin légiste (déjà plus intéressé), mais en revanche si elles échouent, la symbolique devient bien plus intéressante. La majorité des médecins ont tendance à considérer ces patients comme « inutiles » en ce sens qu’ils ne sont pas victimes de leur état, mais l’ont provoqué. De là, c’est un peu comme s’ils prenaient la place de « vrais » patients, par exemple un accidenté de la route. Comme si également, ce n’était pas de la « vraie » médecine. Cela peut vous paraître un peu déconcertant, mais pourtant, c’est une réaction courante, dont ils n’ont pas forcément conscience.
A quoi est-elle due ? C’est une sorte de mépris liée au principe du « pas vécu, pas compris ». La médecine vend une formation essentiellement théorique contrairement à l’idée que l’on s’en fait souvent et dans cette théorie, la gestion du suicide se résume à « appeler le psychiatre », « maintenir les fonctions vitales » puis « hospitalisation à la demande d’un tiers en psychiatrie ». Après démerdez-vous sur le terrain. Avec ça, soit vous êtes naturellement doués pour gérer les situations délicates, soit vous ne l’êtes pas et vous devenez un médecin qui se trouve mal à l’aise car il ne comprend pas ce qui se passe dans la tête de son patient. Je vous laisse deviner quelle est la situation la plus courante.
Intéressant également, l’aspect « ne sont pas des victimes » puisque le médecin est sensé soigner n’importe quel être en ayant besoin. Théorie bien entendue, car en pratique, on sent nettement le jugement du médecin selon le patient qu’il a en face de lui. Bien sûr, nous sommes tous des humains et l’on ne peut empêcher un médecin d’avoir sa propre opinion, mais pour ce que j’en ai vu, c’est un manque de professionnalisme, car ils n’hésitent pas à poser un regard méprisant sur les gens comme s’ils voulaient leur rappeler à quel point ils leur font perdre leur précieux temps de médecin. Inadmissible mais témoin de l’absence de préparation des médecins à la pratique « réelle » de la médecine.
Ceci étant dit, on obtient souvent un retournement de situation avec le fameux « burn-out » des médecins où ces derniers sont tellement dépassés par le hiatus qui existe entre la théorie de ce qu’on leur a promis et la pratique de ce qu’ils obtiennent, qu’il finissent eux-mêmes par penser au suicide. Heureusement pour eux, ils ont des ordonnances et la maîtrise de la pharmacologie, qui leur permet de réussir leur suicide à tous les coups. Pour un bon suicide, il faut plusieurs jours, avec différentes molécules, dont certaines doivent s’injecter, comme l’insuline. Ensuite, il faut éviter que les médecins qui les prennent en charge sachent ce qui a été utilisé. Avec un mélange savant de plusieurs molécules qui ont des actions complémentaires, les médecins n’auront pas le temps de comprendre le mécanisme de l’empoisonnement avant que celui-ci ne soit fatal. Autrement dit, se suicider avec les médicaments, ce n’est pas prendre une boîte de comprimés au hasard et attendre que ça se passe, non, c’est de la biochimie et de la pharmacologie. Pour cette raison, la personne dépressive ou pas qui tente de se suicider par ce biais, n’y arrivera probablement pas.
… pour lire la deuxième partie de l’article, cliquez ici… Les patients : J’ai encore loupé mon suicide !
Crédit photo : stock.xchng
ce que je cherchais, merci