Vous aider à comprendre votre médecin et mieux vivre vos problèmes de santé
Vendredi 20 juin 2014

A propos de l'auteur

Bonjour et bienvenue ! Je m’appelle Ludivine, je suis interne en médecine générale et future généraliste. A travers ce blog, j'aimerais à la fois vous transmettre l'essentiel des bases pour bien comprendre votre corps et vous aider à mieux apprivoiser la logique du monde médical.

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Vos traitements sont-ils utiles ?

Effets secondaires Vous êtes-vous déjà posé la question suivante “est-ce que ça vaut le coup que je prenne le traitement que le médecin m’a prescrit ?”. Si oui, lisez ce qui suit, car votre question est juste et vous avez raison de vous la poser. Si non, lisez tout de même ce qui suit, car comme le dit le dicton, une personne avertie, en vaut deux !

1. Oui à la confiance, non à l’aveuglement

Faire confiance à son médecin lorsqu’il prescrit un traitement, quoi de plus logique ? Surtout lorsque l’on est malade, que l’on ne se sent pas dans son état normal, dépossédé d’une partie de ses capacités de jugement : on a envie d’arrêter de réfléchir sur soi-même et de s’en remettre à quelqu’un dont le métier est justement de lire dans notre corps à notre place, puis de nous aider à mettre les mots sur les maux.

Seulement voilà, pour avoir confiance, il faut être intimement convaincu(e) que la personne qui s’occupe de nous travaille pour nous, avec nous et non pas selon son intérêt personnel. C’est là que les choses se compliquent en pratique, car pour diverses raisons allant du doute sur le concernement du médecin à l’absence de dialogue enrichissant entre soignant et soigné, on en arrive à des traitements qui ne sont pas pris.

Ne pas suivre son traitement est-ce grave ? Et comment savoir si il est utile ?

2. Entre les deux, mon cœur balance

Pour savoir si un traitement est utile, en médecine on utilise un concept appelé ‘”la balance bénéfice-risque”. Comme le nom l’indique, il s’agit d’évaluer si l’utilisation d’un médicament apportera plus de bénéfices à la personne que de risques. De prime abord cela semble facile, mais en pratique, chaque personne étant différente, tout se complexifie.

Il y a quelques semaines, j’étais en train de lire un article dans une revue médicale concernant le traitement des allergies par désensibilisation. A la faculté, j’avais appris que l’on pouvait cesser d’être allergique à une substance par l’administration régulière de petites doses de la substance que l’on ne tolérait pas sur plusieurs mois. Je trouvais le concept génial et très pratique. Et j’étais tout à fait convaincue du bien-fondé de cette innovation jusqu’à ce que je lise “au total, il a été nécessaire de prendre le traitement chaque jour pendant au moins 4 mois pour éviter de prendre un traitement symptomatique du rhume des foins pendant 7 à 10 jours en moyenne durant la saison pollinique. On ne peut pas dire que ce soit une révolution pour les patients”. De prime abord on peut se dire oui, mais grâce à 4 mois de traitement, on a gagné une vie sans médicaments. Sauf que, dans la réalité des faits, les traitements ne marchent jamais pour 100% des patients, ne durent pas forcément toute la vie et il y a les effets secondaires (ou effets indésirables) liés à la nature active du médicament pour un nombre non négligeable d’individus.

3. Aux petits maux, les petits remèdes

Prendre un médicament pendant 4 mois, ce n’est jamais prendre juste une pilule, c’est toujours prendre une molécule chimique qui s’accompagne dans un nombre de cas non négligeable de modifications du métabolisme, de modifications du fonctionnement général du corps. Jusqu’à ce jour, je limitais spontanément le nombre de médicaments mais sans jamais avoir ressenti à quel point chaque médicament peut faire prendre de grands risques pour un petit bénéfice.

Les effets indésirables, cela n’arrive qu’aux autres ? Je le pensais également jusqu’à ce que je me rende compte par la lecture qu’aux USA les maladies dues “à la médecine” représentaient la 3ème cause de mortalité après les maladies cardio-vasculaires et les cancers ! La France suit le même chemin. Etrangement, ce détail n’a jamais été mentionné à la faculté de médecine alors qu’il me semble intéressant à connaître pour mieux appréhender les enjeux des prescriptions de soins.

Ne nous précipitons pas de suite dans le refus de toute médecine allopathique. Comme toujours tout n’est pas blanc ou noir, nos horizons sont définitivement des nuances de gris. En pratique, voici quelques suggestions pour évaluer vos traitements de manière réfléchie.

4. Un traitement est utile si…

- la maladie est certaine : se la jouer à la Dr House en essayant des traitements “pour voir si c’est ça” n’est acceptable que lorsque la vie du patient est en jeu à court terme. C’est rarement le cas lorsque vous allez consulter votre médecin en ville…

- aucune thérapie moins agressive n’est possible : l’amélioration, la correction d’une hygiène de vie, d’une alimentation inadaptées étant également des thérapeutiques dans certains cas. En somme la prévention peut être curative à moyen et long terme.

- les symptômes sont vraiment invalidants / graves : la définition de la gravité peut être variable selon que l’on se trouve à la place du soignant ou du soigné. Les soignants minimisent souvent les symptômes car ils ont vu pire, les soignés maximisent à l’inverse, car ils n’ont pas conscience que cela peut être pire ! D’où l’intérêt du dialogue entre les deux parties.

- le bénéfice est certain : le bénéfice correspond à ce que l’on gagne en mieux sur l’évolution naturelle (sans intervention médicale) de la maladie. Si sans médecin, la maladie guérit, il n’y a pas de bénéfice réel à traiter. Ou alors le traitement sera qualifié de “traitement de confort”, sachant que celui-ci n’est jamais neutre pour le corps. Si avec intervention du médecin, la personne peut gagner 3 ans de vie (cas d’une chimiothérapie par exemple), il y a un bénéfice. Si toujours par rapport à la chimiothérapie, avec traitement on gagne 2 mois et que ces deux mois sont “gagnés” au prix d’une accélération de la dégradation du corps (amaigrissement, vomissements liés à la chimiothérapie) on peut se demander où est le bénéfice pour le patient ? Où est l’intérêt du médecin ? Cette question flirte avec l’acharnement thérapeutique et l’éthique, mais c’est également cela le rapport bénéfice-risque : où est l’intérêt du patient et en d’autres termes, “que ferais-je si j’étais à sa place ?”.

- le risque est inférieur au bénéfice : soit la fréquence des effets indésirables est très basse, soit “le jeu en vaut la chandelle” et les risques sont au moins équivalents aux bénéfices attendus.

5. Ne pas être déçu

Comment savoir si un bénéfice existe pour un traitement ? En l’état actuel des choses les réponses se trouvent dans les études disponibles dans les bases de données médicales. Beaucoup d’études, financements quelques fois obscures, difficile de s’y retrouver. Mais, ne nous décourageons pas pour autant, car la logique et la simplicité peuvent nous aider.

Sachant qu’un médicament inutile a toujours des effets négatifs sur le corps puisque :

Médicament = chimie = jamais neutre pour le corps car molécule active

le minimum exigé est que le bénéfice soit supérieur au risque. Pour évaluer l’intérêt d’un traitement, je me pose quelques questions simples reprenant les points précédents.

Imaginons qu’une personne prenne un traitement pour faire baisser sa tension artérielle (anti-hypertenseur)

- la maladie est-elle certaine ? Oui, j’ai vérifié la tension à plusieurs reprises, toujours supérieure à 140/90 mmHg

- une thérapie moins agressive est-elle possible ? Oui, à ma connaissance supprimer tout ajout de sel (tout aliment étant naturellement riche en “sel”), adopter une alimentation plus végétale (végétarienne). Question annexe : que préfère le patient ? Réponse a je préfère prendre une pilule et conserver le style de vie qui m’a mené à l’hypertension artérielle, réponse b je veux bien tenter de modifier mon alimentation pour voir si cela marche.

- des conséquences graves de la maladie sont-elles prévisibles et si oui à quel point ? l’hypertension a été reconnue comme cause fréquente d’accidents de circulation sanguine tels que AVC, crise cardiaque (infarctus du myocarde) encore appelées maladies cardio-vasculaires. Donc oui, un grand risque.

- ce médicament apportera-t-il un bénéfice certain ? Cela va dépendre du médicament contre la tension. Plusieurs classes sont possibles (diurétiques, ARA2, IEC, BB, inhibiteurs calciques) et toutes ne sont pas adaptées pour une personne. Ici, il faut avoir un médecin qui connaisse le traitement le plus adapté à chaque histoire. Le traitement sera efficace si les études ont montré une diminution de la mortalité globale liée aux maladies dues à la tension trop élevée. Si le médicament ne fait que baisser la tension, mais que le nombre de morts reste identique, il n’y a pas d’intérêt !

- le risque est-il acceptable ? Les effets secondaires ne sont pas négligeables selon les molécules utilisées. Certains sont plus embêtants que d’autres, il faut discuter avec la personne pour évaluer ce qu’elle juge acceptable comme risque. Le fait de ne pas en discuter avant d’entreprendre un traitement à vie, tel que celui-ci mène au risque que la personne ne suive pas son traitement, car elle n’a pas osé dire à son médecin que les risques lui semblaient trop grands.

Second exemple : prendre un traitement pour le rhume

- la maladie est-elle certaine ? Oui. Nez qui coule (rhinorhée), nez bouché (obstruction nasale) et accessoirement mauvaise humeur (tiens, pas de terme médical spécifique pour celui-ci) ;)

- une thérapie moins agressive est-elle possible ? Ne rien faire.

- des conséquences graves de la maladie sont-elles prévisibles et à quel point ? Le rhume est une maladie bénigne liée à un virus (rhinovirus) qui guérit spontanément en une semaine. Ne rien faire est donc une option. Faire des lavages du nez au sérum physiologique en est une autre. Les complications sont rares et pratiquement jamais graves si on a un système immunitaire fonctionnel.

- quels sont les bénéfices du traitement ? Le nez un peu moins bouché, souvent de manière temporaire. De plus, si mes souvenirs sont exacts, il me semble que les études n’ont jamais permis de prouver que les médicaments à base de pseudoéphédrine et ibuprofène type Dolirhume® étaient efficaces pour la majorité des personnes l’utilisant.

- quels sont les risques ? Concernant les médicaments pour le rhume, la liste des effets secondaires est très longue et va des risques de crise cardiaque ou d’anomalie des battements du cœur, aux risques pour les reins qui peuvent être attaqués par ces molécules (risque d’insuffisance rénale si déshydratation associée pour les AINS type ibuprofène). Le cerveau peut également être atteint avec des convulsions, de même que l’estomac qui peut être attaqué (ulcère), et également comme tout médicament un risque d’allergie. Pour les spécialités à base de corticoïdes, on a surtout un risque de dépendance (le nez étant débouché temporairement, on en reprend pour obtenir le même effet), un risque de nécrose du nez car les molécules utilisées ont pour effet de réduire le calibre des vaisseaux (ce qui amène à la sensation de débouchage), divers risques d’altérations de l’équilibre ionique du corps etc.

En somme, de mon point de vue, la balance bénéfice-risque est plutôt défavorable ! En cas de rhume, je ne prendrais pas de traitement médicamenteux. En cas d’hypertension artérielle, je prendrais probablement un traitement, tout dépend de la molécule choisie, mais seulement en derniers recours. Je préfèrerais modifier mon hygiène de vie plutôt que de devenir dépendante d’une molécule chimique. Là, nous entrons dans des considérations plutôt personnelles, mais gardez bien en tête que changer de style de vie, change le corps !

Maintenant à vous de vous poser la question pour vos médicaments ; à vous de faire cette gymnastique : est-ce que ça vaut le coup de prendre le risque des effets indésirables ? Si la réponse est non, je vous encourage à engager la conversation avec votre médecin dès maintenant afin de voir quelles autres options sont possibles pour améliorer votre santé.

Crédit photo : Yannick Bammert



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8 Réponses de “Vos traitements sont-ils utiles ?”

  1. g@hu dit :

    Un billet oh combien intéressant !

    1) La désensibilisation : je n’ai pas d’opinion sur la désensibilisation décrite ci-dessus ( 4 mois de traitement journalier).
    Mais j’ai déjà effectué 3 désensibilisations.
    La dernière contre les acariens a durée 5 ans et a plutôt réussie. Je ne regrette pas de l’avoir effectué.

    2) Le rhume !
    Dès que j’ai un rhume : 360 mg de pseudo ephedrine pendant 3 ou 4 jours sinon j’ai un nez comme une borne à incendie.
    Les symptômes du rhume sont différent selon les individus et la taille du nez…

    3) Dès que l’on me prescrit un médicament je vais voir sur la base thériaque pour obtenir des renseignements sur le médicament.

    Je me demande si vous arriverez à tenir vos bonnes résolutions quand vous serez médecin face au patient qui attend une prescription de médicaments.

    • Ludivine dit :

      Merci pour ce commentaire g@hu, moi aussi je me pose la question, mais avec de la curiosité et du tact, on arrive rapidement à savoir pourquoi les gens tiennent tant aux médicaments. D’où la confiance nécessaire au dialogue, d’où mon entrainement à l’échange avec le blog ;)

  2. Talis dit :

    Si je ne prends rien lorsque j’ai un rhume, je guéris en 10 jours. Avec les médicaments, ça prend 3 jours.
    Pendant ces 7 jours de différence, je peux contaminer plein de personnes (même en me lavant souvent les mains), donc ça fait un (gros) point négatif en plus.
    Et pendant 7 jours supplémentaires, je risque de ne pas être à la hauteur à mon travail (les collègues risquent de ne plus être compréhensifs).

    Bien que je préfère ne rien prendre, dans le cas du rhume, je prendrais sûrement des médicaments, car je constate en quelques heures les bénéfices et que je ne constate pas de désavantage (ceux cités dans l’article compris).

  3. Bonjour,

    Pour ma part en cas de rhume je prend rarement quelques choses, d’un point de vue générale je n’aime pas prendre des médicaments et même aller voir le médecin.
    Mais je comprend que certains ne veulent tout simplement pas changer de style de vie, ils pensent (peut-être à tort) que cela est trop contraignant. Certains même après avoir été opérés pour un cancer du poumon continuent de fumer.
    Aussi beaucoup ont une confiance aveugle envers leur médecin mais également le système médicale et ne se demande pas si tel ou tel médicaments est réellement nécessaires.

    Arnaud de Maison Attention Danger.

    • Ludivine dit :

      Merci Arnaud pour ce commentaire. Il est vrai que le réflexe malade=médicament est bien ancré dans notre logique. C’est pour cela que j’en parle régulièrement, car de mon point de vue, la maladie n’est pas forcément à traiter par médicaments dans tous les cas. Pour autant, depuis que l’affaire mediator a été mise à jour, je perçois un début de questionnement sur la nécessité de tout traiter chez pas mal de personnes avec qui je discute. Personnellement, j’espère qu’une utilisation plus juste des médicaments se fera avec la prise de conscience des consommateurs.

  4. g@hu dit :

    Pour éviter d’utiliser trop de médicaments : les remèdes de grand-mère ?
    Le 18 novembre 2011 l’émission allo docteur sur France 5 leur est consacrée.

    Cela ferait il sérieux si un médecin proposait à ses patients ces « remèdes de grand mère » ?
    Avec un chat de 15 à 16 h

    http://www.bonjour-docteur.com/actualite-sante-prochain-tchat-remedes-de-grands-meres-pour-bien-passer-l-hiver-5174.asp?1=1

  5. Kerloen dit :

    Article super intéressant, et cela me ramène à un coups de gueule récent sur la nouvelle campagne contre les antibiotiques (http://0z.fr/9biHH). La manière d’appréhender la communication de masse me navre, c’est vraiment du nivellement par le bas, en plus de la désinformation évidemment.
    Un échange intéressant en lien avec la question du traitement, et plus spécifiquement des antibiotiques.
    http://vegeweb.org/les-antibiotiques-si-on-les-utilise-a-tort-ils-deviendront-moins-forts-t9272-30.html

  6. Melkine dit :

    Je me suis faite desensibilisee il y a quelques annees contre les acariens et les gramines, et le resultat est tres positif !

    Cependant… etant diabetique insulino-dependante depuis 2 ans, je me suis toujours posee la question de la concequence de l’insuline dans mon organisme… Peut etre decouvrira-t-on dans quelques annees que l’insuline que je prends favorise le cancer du pancreas (comme le medicament contre le diabete de type 2 recemment exclue du commerce !)
    Effectivement, dans mon cas, j’aurais du mal a vivre sans insuline… sauf si je mange que de la salade verte :-)
    Que faire ?

    Merci encore pour cet article tres clair !

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