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Dimanche 6 janvier 2013

A propos de l'auteur

Bonjour et bienvenue ! Je m’appelle Ludivine, je suis interne en médecine générale et future généraliste. A travers ce blog, j'aimerais à la fois vous transmettre l'essentiel des bases pour bien comprendre votre corps et vous aider à mieux apprivoiser la logique du monde médical.

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Mon voyage en Inde (partie 2 – médecine et santé)

La semaine dernière je vous ai raconté mon voyage en Inde sous l’angle “associatif” avec la présentation d’Enfances indiennes. Cette semaine, j’aimerai vous faire partager quelques anecdotes et réflexions concernant la médecine et la santé.

A propos de la formation médicale

Un après-midi, nous nous sommes retrouvés en train de visiter une plantation d’épices. Le guide nous expliquait quelles plantes correspondaient à quelles épices et sachant que j’étais médecin, il me posait des questions sur les propriétés médicinales des épices. C’est à ce moment là que j’ai pris conscience que d’une part je n’y connaissais rien en plantes, et d’autre part, qu’à part prescrire des molécules commercialisées par des laboratoires pharmaceutiques, je n’avais pas appris à utiliser grand-chose d’autre. Je me suis sentie plutôt mal à l’aise car je me rendais bien compte que j’avais de sérieuses lacunes. Je ne sais pas trop à quoi ressemble la formation médicale en orient, mais il faut bien reconnaître qu’en France, la botanique et la phytothérapie ne sont pas reconnues ni intégrées ou même mentionnées dans la formation médicale.

Clous de girofle

Clous de girofle

Noix de muscade

Noix de muscade

 

Poivre

Poivre vert

En même temps que je prenais conscience de ce problème, je me suis rendue compte à quel point un médecin lambda est dépendant des laboratoires. Si l’on m’enlève les spécialités que je connais, je serai en l’état actuel de mes connaissances tout simplement incapable de soigner, car je ne connais et ne sais me servir que les molécules de synthèse. Bien que cela ne m’ai jamais frappée avant, puisque c’est “la norme”, je trouve à la réflexion qu’il y a quelque chose de dérangeant dans cette idée de ne finalement pas être capable de se servir de ce que la nature nous propose de manière directe, ne serait-ce que pour proposer des alternatives.

En étendant le fait que la formation ne parle pas de phytothérapie, je me suis rendue compte que plus globalement la formation médicale qui dit s’intéresser à la santé de l’être humain, ne comporte pas la moindre information concernant les interactions entre l’homme et son environnement naturel, c’est à dire la planète terre. Nous traitons des êtres humains, mais pourtant, nulle part n’est fait mention de la préservation d’une planète en bonne santé comme condition sine qua non à notre bonne santé. Bien entendu, on pourrait se dire que c’est hors sujet, l’écologie étant sur le papier un sujet distinct de la médecine, et pourtant, il faut bien se rendre à l’évidence que plus nous détruisons notre planète, moins nous sommes en bonne santé (j’avais déjà soulevé ce problème dans cet article).

En ce sens, l’écologie devrait faire partie de l’éducation des futurs médecins, ne serait-ce que pour leur faire prendre conscience du fait irrévocable que la survie de notre corps physique est dépendante de la présence de la terre et de ses ressources. Prendre soin de la santé d’un être humain, sans prendre soin de la planète est un complet non-sens.  En somme, la formation médicale manque cruellement d’une vision holistique de la santé.

A propos de la santé de la population

J’y ai pensé trop tard, mais j’aurai bien voulu visiter un hôpital public en Inde afin de comparer les conditions d’exercice de la médecine. A ma demande, nous sommes tout de même allés voir les parties accessibles à tous d’un hôpital public à New-Delhi.

Hopital public de New Delhi

Sans pouvoir accéder aux services d’hospitalisation, c’était déjà très impressionnant. La foule qui arpente les allées semble ne jamais désemplir. Où que l’on passe, on croise des centaines de personnes qui vont on ne sait où ; on croise des personnes allongées sur des brancards à l’extérieur, dans les allées entre les bâtiments, attendant depuis je ne peux imaginer combien d’heures. Un homme était couché sur son brancard en plein soleil avec une sonde urinaire, un collier cervical, j’imagine qu’il venait de avoir un accident de la route et n’avait ni perfusion d’antalgique, ni surveillance médicale. De même, devant le bâtiment de cancérologie, au moins une cinquantaine de personnes attendaient, debout, assises, allongées… bref, je me demandais comment en tant que médecin on pouvait arriver à gérer de telles quantités de personnes.

Aux urgences en France, il y a toujours des moments où la foule désempli ne serait-ce qu’un peu, où l’on arrive à avoir une vision du nombre de personnes qui restent à gérer, mais là… je me demandais bien comment je ferai si je devais travailler ici.

La foule ne cessant de grandir, on m’apprit qu’il y a un peu plus d’un an, l’hôpital avait dû se doter d’agents de sécurité afin de limiter l’accès aux couloirs aux seuls patients. De même, j’ai entendu tout un tas d’histoires qui m’ont été rapportées par des occidentaux ayant par concours de circonstance dû accompagner des patients pour des soins et qui décrivent un manque de moyens dramatique à tel point que plusieurs patients en venaient à partager le même lit, avec des draps moyennement propres et ainsi de suite.

J’ai croisé beaucoup de personnes pour lesquelles un simple coup d’œil suffisait à poser un diagnostic et la constatation que le traitement nécessiterait de la chirurgie. Nombre de malformations et autres pathologies nécessitant de la chirurgie sont des “maladies” que je n’ai jamais eu l’occasion de voir en France, tout simplement car les personnes sont opérées dès les premières années de vie. C’était à la fois médicalement très intéressant à observer, mais également sujet à réflexion, car certes, nous pouvons nous désoler du fait que ces personnes n’aient pas la même facilité d’accès aux soins qu’en France, mais nous pouvons également nous demander si nous apprécions à sa juste valeur la “chance” que nous avons de pouvoir bénéficier de soins médicaux avec tant de facilité ; à tel point que quelques fois je croise des patients pour qui le soin est devenu un dû qui ne semble éveiller aucune reconnaissance ni appréciation.

Le retour

Toutes ces idées en tête, je suis rentrée en France partagée entre deux attitudes. D’une part, je rentrais en sachant que mon travail à l’hôpital allait essentiellement consister à aider des personnes qui n’ont pas toujours conscience de la chance qu’elles ont de pouvoir accéder de manière quasi-logique à des journées d’hospitalisation, à des soins d’urgence, à des examens complémentaires coûteux. D’autre part, je rentrais avec la nécessité de développer plus encore mes capacités de compassion et de bienveillance envers les personnes dont je m’occupe, car pour avoir vu et perçu la détresse de toutes ces personnes en Inde ; je tiens à m’imposer de ne jamais oublier qu’il n’y a rien de plus effrayant que de se retrouver en situation de fragilité physique et psychique et de n’avoir personne à qui pouvoir remettre sa confiance.

Avez-vous lu la première partie de mon voyage sur l’Inde ? Cliquez ici pour le découvrir :)



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6 Réponses de “Mon voyage en Inde (partie 2 – médecine et santé)”

  1. Claire dit :

    Bonjour,

    Je suis infirmière et très intéressée par la place de l’Homme sur Terre, comme vous la décrivez (état global de l’humanité corrélé à celui de la planète, écologique, alimentation biologique…) Si vous en apprenez plus au sujet de la phytothérapie et de l’utilisation des épices, je suis preneuse pour une mise à jour de mes connaissances ou des références bibliographique.
    Je trouve votre démarche peu banale pour un médecin, et cela fait plaisir de voir que certains ne se soucient pas uniquement de faire tourner les labos (heureusement).
    Bonne journée.

  2. jean-marie dit :

    bonjour,

    et merci pour vos articles toujours tres interessants.
    apres quelques reflexions sur cet article j’en suis venu a me demander quelle est la situation en France de la liberté de soigner du medecin: est-il libre de ses actes ou bien est-il contraint par des regles strictes comme aux usa ou par exemple tous ceux qui veulent utiliser autre chose que le trio (chimio, chirurgie, rayons) pour soigner le cancer n’ont d’autre solution que de s’installer au Mexique?
    merci d’avance pour votre reponse et bonne journée.

    • Ludivine dit :

      Bonjour Jean-Marie, très bonne question. Je me l’étais déjà posée dans ma tête, mais sans toutefois prendre le temps d’y chercher une réponse « argumentée ». Je garde la question et j’en ferai un article lorsque mon emploi du temps sera un peu moins chaotique ;)

  3. annie dit :

    Bonjour Ludivine,

    Je suis allée également en Inde, Inde du Sud, en novembre dernier, mais en tant que touriste. C’était la deuxième fois que j’y allais, la première fois, c’était en Inde du Nord, il y a plus de 30 ans ! L’Inde évolue, j’ai pu voir des masses d’enfants scolarisés, portant un uniforme, cela en ville – notamment Bangalore – mais aussi à la campagne, dans un village.
    C’est en tant que lectrice d’Alexandra David-Neel et également admiratrice du Mahatma Gandhi que l’Inde m’attire et me passionne. J’ai lu beaucoup de romanciers contemporains pour préparer mon deuxième voyage et actualiser ma représentation de l’Inde. Vous n’avez sans doute pas beaucoup de temps à consacrer à la lecture comme moi qui suis à la retraite. Pourtant, j’ai constaté que cela permet de se départir un peu de notre tendance à voir dans les peuples étrangers des gens très différents, je ne vous apprends rien, mais si on sait cela de façon intellectuelle, affectivement, nous avons tendance à ne pas le croire vraiment.
    La littérature indienne est très agréable à lire, bien plus que la nôtre souvent car elle a des visées sociologiques et éthiques. Je pense à un livre qui m’a émue au-delà de toute expression intitulé : l’équilibre du monde, écrit par un Indien de la diaspora canadienne. Un autre également, intitulé Shantaram, écrit par un Australien, ancien repris de justice qui a vécu dans un bidonville indien, a connu les geôles indiennes, etc.
    J’ai visité les temples anciens du sud de l’Inde, envoûtée à mon tour, comme le fut Alexandra David-Neel par l’ambiance particulière de religiosité qui y règne, même si souvent mêlée au mercantilisme le plus décomplexé possible, ce qu’avait relevé également en son temps, la grande exploratrice et aventurière qu’elle fut ( sa bio fait l’objet d’un téléfilm cette semaine avec Dominique Blanc qui joue son rôle, vendredi sur Arte).
    Je ne sais si je retournerai en Inde, il me reste tellement de pays à voir, je préfère laisser fermenter dans mon esprit les impressions recueillies et les laisser se décanter et se développer en toute liberté.

    C’était mon petit témoignage personnel, l’évocation de l’Inde ne me laissant jamais indifférente. Tout en sachant néanmoins que se posent d’assez sérieux problèmes de « vivre-ensemble » entre les communautés confessionnelles, notamment la minorité chrétienne qui est en proie à des persécutions de la part d’orthodoxes hindous.

    • Ludivine dit :

      Bonjour Annie, merci pour votre commentaire et votre partage ! J’ai bien pris note des livres que vous citez et que je ne connaissais pas du tout. Effectivement j’adore lire et même si je n’en ai pas trop l’occasion ces derniers mois, je trouverai un moment pour faire cela en temps voulu. J’aime bien l’image véhiculée par votre métaphore « je préfère laisser fermenter dans mon esprit les impressions recueillies et les laisser se décanter et se développer en toute liberté » :)

  4. Marie dit :

    La science des plantes a été quelque peu abandonnée même si elle fait un bon retour depuis quelques années. Très bon article !

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