Vous aider à comprendre votre médecin et mieux vivre vos problèmes de santé
Dimanche 28 avril 2013

A propos de l'auteur

Bonjour et bienvenue ! Je m’appelle Ludivine, je suis interne en médecine générale et future généraliste. A travers ce blog, j'aimerais à la fois vous transmettre l'essentiel des bases pour bien comprendre votre corps et vous aider à mieux apprivoiser la logique du monde médical.

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Faites-moi un procès !

Pour mettre votre médecin de bonne humeur, prononcez le mot suivant : « procès ». Il s’en suit généralement une réaction d’agressivité contenue, avec petits yeux plissés dans votre direction et air méfiant.

 

Ce mot magique effraie de plus en plus les médecins depuis l’avènement d’Internet (propagation/partage du savoir) et l’évolution de la relation médecin-malade vers un mode plus « autonomiste » (que voulez-vous que je vous prescrive ?) que paternaliste (je suis le médecin, je décide de tout, soyez sage !).

 

De prime abord, tout être humain pense « procès = erreur médicale ». Théoriquement c’est tout à fait juste, et dans la plupart des démêlés médico-judiciaires, il y a faute médicale, puis médiatisation, puis vous en entendez parler et en discutez avec vos connaissances.

Seulement en excluant les affaires hyper-médiatisées, dans la pratique, on constate que :

 

a) la plupart des erreurs médicales – dont certaines sont graves (c’est-à-dire induisent des séquelles) – n’entrainent pas toujours de procès

b) beaucoup de procès n’incluent pas d’erreur grave de la part du médecin

 

A ce moment là, en temps que médecin on peut se dire – malheureusement trop rares sont-ils – qu’il y a quelque chose qui n’est pas logique, tout du moins dans un raisonnement purement opératoire. Mais comme vous pourrez tous en témoigner, nul n’attend de son médecin d’être purement objectif et de nous traiter comme une somme de problèmes à laquelle il apporterait un ensemble de solutions. De ce fait, il y a toujours un rapport humain dans le lien médical, un discours qui demande un minimum de respect et d’intérêt porté à la plainte, au patient, même s’i l’attention n’est que simple politesse.

Cette raison évidente mais essentielle explique le raisonnement de la personne qui va en venir à intenter un procès à son médecin.

 

Dans le cas a) il y a une erreur de la part du médecin. Le raisonnement est de type « peut-être était-il en proie à de graves problèmes familiaux ; était préoccupé par un problème tiers ; après tout il reste humain et je peux concevoir qu’il fasse une erreur, même si ça tombe sur moi et que j’en garde des traces. Pourquoi lui faire un procès alors qu’il a toujours été correct et à l’écoute lorsque j’avais besoin de lui ? ». Dans cette situation, il y a confiance entre le patient et son médecin, où le patient pense que son médecin est quelqu’un de bien et responsable, ce qui l’amène à abandonner l’idée d’attaque.

Dans le cas b), le raisonnement est plutôt du type « il m’avait dit que la cicatrice serait pratiquement invisible, résultat je me retrouve avec une infection et maintenant on ne voit que ça ! En plus, je lui ai demandé des explications et il m’a répondu que ce sont des choses qui arrivent et m’a expédié. C’est ce qu’on va voir ! ». En vous imaginant dans la situation, vous seriez aussi tenté de demander une réparation, c’est logique, mais ce ne serait pas tant pour dénoncer cette cicatrice à laquelle vous allez vous habituer (ou faire reprendre par un chirurgien esthétique si vous en avez les moyens) que pour signaler à votre médecin qu’il n’a pas été correct avec vous, n’a pas respecté votre parole, ni votre capacité de jugement de votre propre bien-être. Au fond, la seule chose que l’on attend dans ces situations, c’est que le médecin s’excuse, reconnaisse ses torts et par là même, notre humanité. C’est légitime.

 

Ainsi se résument les principaux mécanismes qui font naître la plupart des procès. Bien entendu il y a de nombreux autres facteurs qui nuancent la réflexion en vue ou non d’intenter un procès à son médecin, mais globalement, ils présentent la différence de pouvoir être court-circuités par des mécanismes de défense adaptés, comme par exemple la peur de son médecin qui peut être contrée par l’avocat qui remplit le rôle de barrière symbolique.

 

Personnellement j’ai le souvenir d’un cours magistral (amphithéâtre avec tout de même 200 auditeurs étudiants) où le chirurgien qui nous parlait de séméiologie médicale (transformation d’un mot compréhensible en un mot incompréhensible ex. ça me gratte = prurit) nous a transmis ce qu’il considérait comme une base importante en médecine « méfiez-vous des patients ! Sans que vous ne les voyiez venir, ils vont vous attaquer en justice ! ». Sa phrase s’est instantanément gravée dans mes neurones, non pas pour sa perspicacité, mais parce qu’après tant d’années de pratique, il n’avait toujours pas compris ce qu’attend un patient de son médecin et ce, quelle que soit la spécialité médicale exercée.

Crédit photo : Steve Kay



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3 Réponses de “Faites-moi un procès !”

  1. Hélène dit :

    Malheureusement cette mentalité parano est beaucoup partagée et alimentée par l’antagonisme entretenu « anti patient » jusqu’au « défenseur des droits » (oui mais de qui…pas des patients aucune asso de leur côté, parti pris…)
    cela bénéficie à qui : en cas d’erreur seulement aux assureurs… qui ont beau rôle de profiter de l’antagonisme pour des erreurs…
    et résultat les seuls rares cas d’auto régulation qui ne se font pas… et des patients encore plus anxieux…
    certains forums d’étudiants en médecine sont à avoir la nausée pourquoi ont-ils choisis médecine si les patients sont des ennemis et des idiots?

  2. Papoin dit :

    Ce texte est très juste ! Pour ma part, mon chirurgien dentiste m’a fait une fracture de la mâchoire en m’opérant des dents de sagesse… Il est venu me l’annoncer, livide, juste après l’opération en s’excusant en boucle… Je n’ai pas porté plainte mais finalement j’aurai peut être dû car cela m’a couté 5000 euros de frais d’orthodontie par la suite … simplement j’ai pensé à l’erreur humaine et je ne suis pas fan de faire un procès à chaque erreur… Mais il est vrai que financièrement, cette faute a eu des conséquences (sans parlé de deux étés gachés, et trois opérations…)

    • Ludivine dit :

      Très intéressant votre retour d’expérience, comme quoi, en un sens il a eu le bon réflexe, quoi que c’était difficile de dissimuler une fracture. J’ignore si cela fait partie des risques opératoires pour une extraction de dent de sagesse, mais cela me semble plutôt rare comme complication. Le sujet est délicat car comme vous le dites l’erreur est humaine, mais nous avons tellement appris à penser que la santé était un dû et non pas un bien dont il nous faut prendre soin que même si nos intentions ne sont pas spontanément vers la judiciarisation, nous y songeons au moins un temps. J’espère que votre histoire ne se finit pas avec trop de séquelles.

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