Vous aider à comprendre votre médecin et mieux vivre vos problèmes de santé
Lundi 18 février 2013

A propos de l'auteur

Bonjour et bienvenue ! Je m’appelle Ludivine, je suis interne en médecine générale et future généraliste. A travers ce blog, j'aimerais à la fois vous transmettre l'essentiel des bases pour bien comprendre votre corps et vous aider à mieux apprivoiser la logique du monde médical.

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Qu’est-ce que la folie pour la médecine ?

Je viens de recevoir un mail d’une lectrice qui me touche autant qu’il me rappelle à quel point la médecine telle qu’elle est enseignée peut parfois passer à côté de l’essentiel. Alors, merci pour ce mail qui m’a permis d’aborder un sujet sur lequel je travaille pourtant beaucoup mais duquel je ne parle que peu.

Maladies silencieuses, maladies du verbe

Que sait-on de la maladie mentale ? Que dit la science du mal-être ? La médecine a deux points de vue qu’il faut recouper pour comprendre.

Il y a d’un côté la conséquence de la maladie, celle que la science peut saisir par les techniques d’imagerie, d’expérimentation animale. Elle est “matérielle”, c’est un déficit ou un excès en une hormone le plus souvent : manque de sérotonine pour les dépressifs, trop-plein de dopamine pour les schizophrènes en alternance avec un déficit. Et ainsi de suite pour chaque maladie mentale. Avec ces découvertes, la médecine s’est enthousiasmée, elle pensait avoir découvert la solution : il suffirait de restaurer les taux de ces hormones pour soigner.

Mais c’est oublier la question essentielle : pourquoi ces taux sont-ils déréglés ? Pourquoi les hormones ont décidé d’un coup de se dérégler ? Et là, la médecine devient plus embarrassée, car la réponse sous-entend que la guérison ne sera pas si aisée, tout du moins pas totalement en son pouvoir.

Nous venons tous au monde avec une histoire familiale qui est ce qu’elle est ; de fait nous sommes plus ou moins sensibles, prédisposés à certains problèmes de santé, physiques ou mentaux. Pourtant, nous ne développons pas toutes les maladies auxquelles nous sommes prédisposés : c’est l’épigénétique, autrement dit, la capacité de notre ADN à ne concrétiser que certaines possibilités en fonction de notre histoire de vie.

Chez certains êtres, la fragilité est grande et certains événements de vie, que l’on peut difficilement prédire, vont faire que la structure intime de la personne, sa foi en la vie, se trouve brisée. Ce peut être un événement d’apparence banale mais qui va être vécu de manière violente et qui va comme faire éclater une partie de notre espoir, de notre conviction que le monde nous veut du bien. C’est comme si nous étions un miroir, que celui-ci se brisait en raison du sens négatif que nous attribuons à cet instant de vie, et qu’il restait en nous, en mille morceaux.

Par la suite, les morceaux du miroir brisé vont se cristalliser plus ou moins en l’état, malgré nos tentatives de recollage. Soit, si nous en avons encore la force, nous arrivons à nous concentrer, à nous focaliser sur un être bien structuré qui va (r)éveiller en nous le désir de vivre en confiance. Il y a alors possibilité de recoller les morceaux en un ensemble harmonieux en observant et en imitant cette personne en qui nous avons foi. Ce n’est pas toujours le cas, mais cela fonctionne, surtout lors de l’adolescence qui est souvent la période de structuration de l’adulte que nous souhaitons devenir.

Le regard de la médecine

Que fait la médecine conventionnelle pour les êtres qui souffrent de « maladie mentale » ? Elle traite les symptômes, elle traite en ajoutant ou en bloquant les hormones. Ceci n’est jamais sans conséquences sur le reste du corps, il y a les effets secondaires liés à l’impact des hormones sur d’autres organes que le cerveau. Ce sont les neuroleptiques, les antidépresseurs. Toutes ces molécules influent sur les taux hormonaux. La médecine actuelle part de l’hypothèse qu’en régulant les taux hormonaux, on soigne les maladies mentales, et souvent il est vrai, nous observons des effets dits positifs, une amélioration de l’humeur, une diminution des angoisses, des symptômes dérangeants.

Est-ce tout ce que l’on peut proposer ?

La médecine propose ce qu’elle maîtrise le mieux, la chimie. Après, elle propose également des thérapies qui accompagnent les traitements médicamenteux. Ce point étant encadré par un thérapeute il faut avoir la chance de tomber sur un médecin ou autre professionnel de santé qui se sente concerné par son rôle, mais également qui ne parte pas vaincu d’avance et il faut avouer que ce n’est pas toujours facile à trouver.

Le problème principal étant que pour aider un être brisé intérieurement, il faut être capable de travailler avec lui et non pas pour lui. Ce point est important car nombre de soignants pensent pouvoir aider ce qui équivaut à “pensent pouvoir guérir quelqu’un”. Or, ce n’est pas le cas, seul le patient peut se guérir. J’ai déjà eu l’occasion de le constater dans ma pratique : essayez de soigner quelqu’un contre sa volonté, vous n’y arriverez pas ! Au mieux, votre rôle est d’amener la personne à réfléchir sur son point de vue, mais elle seule peut décider qu’un traitement va l’aider.

Dans le cas qui nous intéresse, il faut donner des outils pour se reconstruire. Le rôle du thérapeute étant de l’aider à se déconstruire par le langage. C’est comme si il fallait dissoudre la colle qui s’est mise entre les morceaux de miroir laissés tels quels pour ré-assembler le miroir en un ensemble harmonieux. En morceaux, le miroir ne reflète la lumière que pauvrement d’un morceau vers l’autre, pouvant même déclencher des feux internes. Mais un miroir recomposé en un seul bloc, reflète la lumière vers l’extérieur, ne se brûlant plus lui-même.

La détresse

Il n’y a pas que le patient qui soit en détresse dans la maladie mentale. Nombre de médecins sont mal à l’aise avec, car ils sentent que le chemin de la guérison n’est pas en leur pouvoir direct. Ils ont appris que les molécules qu’ils peuvent prescrire, ne font qu’appliquer des pansements sur les plaies, mais ne stimulent pas l’auto-guérison par le corps comme peuvent le faire d’autres molécules.

L’écoute tant demandée à juste titre par les patients et leurs famille n’est pas une activité toujours appréciée des médecins car elle peut leur donner l’impression (qu’elle soit véridique ou non) qu’ils sont inefficaces au fil des consultations car les choses ne bougent pas ou très peu. Ensuite, il faut malheureusement rappeler que le système de santé dans lequel nous sommes actuellement n’encourage pas “le fait de prendre du temps pour discuter” car il n’y a pas de valorisation financière du soutien, de l’écoute. Un médecin sera payé le même prix qu’il ait pris un quart d’heure pour vous voir ou bien une heure. C’est terrible à lire mais peut-être pourrions-nous faire évoluer cela en demandant aux caisses d’assurance maladie, de valoriser ces actes, en tant qu’acteur du système de santé. Nombre de médecins ont déjà fait cette demande, et si les patients l’appuyaient par écrit ? Enfin, il est aussi possible qu’un médecin ne soit pas à l’aise face à la “maladie mentale” car cela le renvoie à ses propres problématiques, ses souffrances.

Espoir

Les leviers de toute maladie mentale et de tout mal-être chez les humains, sont la peur et le vide, les deux évoluant de pair. Lorsque l’on se sent mal, il y a comme une plaie géante qui s’ouvre en nous, comme une faille dans laquelle nous tombons, tout ce qui nous structure nous quitte, nous ne sommes plus un individu, nous sommes… ? C’est là qu’il faut agir, car pour moi, tant que la vie est présente, c’est qu’il y a un espoir, car la Vie elle-même est le témoin de l’espoir. Dans la folie, la peur nous tient en retrait, c’est elle qu’il nous faut affronter, notre propre peur de perdre le semblant d’identité, d’humanité que nous avons.

Le sentiment de vide intérieur est ce qui paralyse, qui crée le mal-être, la peur du monde extérieur, de la réalité. Tout le travail intérieur réside dans l’idée de venir remplir ce vide par un projet, un objectif de vie qui donne du sens à notre présence dans ce monde. C’est un acte profondément créatif que de se trouver une raison d’être et de participer à ce monde. Notre rôle, en tant qu’entourage peut consister à aider l’autre à ne pas abandonner l’espoir. Mais au final, seule la personne concernée peut accomplir cela, seule elle peut venir remplir le vide.

Crédit photo : Visual artist Franck Bonilla



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17 Réponses de “Qu’est-ce que la folie pour la médecine ?”

  1. crozes dit :

    Je suis en train de lire les 5 blessures qui empechent d etre soi-meme de Lise Bourbeau et vient de lire cet article, et me dis qu il faudrai revolutionner le. Systeme De sante et surtout former de nouveaux medecins terapeuthes !

  2. jean-marie dit :

    bonjour,

    je voudrais apporter des elements de reflexion concernant la santé mentale, regardez cette video

    http://www.youtube.com/watch?v=6Zt0dCQ9NSI

    particulierement entre 40 et 43 minutes apres le debut pour ce qui concerne la santé mentale. Mais il est souhaitable que tout le monde puisse voir à mon avis la totalité de cette video.
    cordialement,
    jean-marie

    • Ludivine dit :

      Bonjour Jean-Marie, merci pour cet élément de réflexion vidéo. L’alimentation a nécessairement un effet sur notre psychisme puisqu’elle définit les potentielles carences vitaminiques ou autre que l’on risque de développer. Concernant les vitamines, je ne vous apprendrais rien en vous disant que les fruits et légumes frais et consommés crus pour ceux qui peuvent l’être sont les sources les plus faciles d’accès. Les oléagineux dont les noix de cajou mentionnées (mais toutes les noix, amandes etc) sont également de très bonnes sources de vitamines notamment du groupe B, ainsi que la levure de bière en paillettes. Les végétaux quels qu’ils soient sont à favoriser pour notre santé notamment mentale http://sante.lefigaro.fr/actualite/2012/10/19/19324-fruits-legumes-contre-deprime . Le jeûne thérapeutique (sous surveillance médicale impérative pour toute personne prenant des médicaments) peut également permettre d’obtenir des améliorations dans certaines pathologies psychiques.

  3. livers dit :

    Merci pour votre article, il est très concis, on voit à la fois votre professionnalisme et votre sensibilité et vécu qui certainement feront de vous un très bon médecin.
    L’art, la musique, l’écriture peuvent aussi permettre d’exprimer et de dépasser ses blessures.
    Mais comme vous le dites il faudra de toute façon d’une manière ou d’une autre, via l’art ou autre chose, une bonne dose de créativité pour se sortir de sa fange. Et qu’est ce que la créativité ? Oser sortir de sa coquille, oser s’exprimer, faire des choses qui nous plaisent.
    La chimie peut aider mais elles soignent les symptomes, elle peut aider temporairement à supporter une réalité trop difficile.
    Je pense aussi que le volet nutrition ne doit pas être oublié.

  4. laïd dit :

    Merci bcp Ludivine.
    C’est vraiment très intéressant et utile de la savoir.

    Slts.
    Laïd.

  5. Anna dit :

    Encore un bon article qui nous apprend des choses importantes en peu de temps, merci.

  6. le guellec dit :

    Pour apporter moi aussi un éclairage sur la folie :
    Une étude suédoise de l’institut Karolynska ,menée sur l’analyse de données recueillies durant plus de 40 ans sur plus d’1,2 millions de patients et leur famille affirme que les créatifs sont à risques psychiatriques.Les personnes avec troubles bipolaires sont surreprésentées dans les professions créatives et les schyzophrènes dans les arts visuels .

    Ca pose la question d’adapter les traitements aux malades car souvent ,les médicaments inhibent cette créativité et empêchent les malades de s’exprimer.

  7. Grégory dit :

    « Ce peut être un événement d’apparence banale mais qui va être vécu de manière violente et qui va comme faire éclater une partie de notre espoir, de notre conviction que le monde nous veut du bien. »

    Ce passage m’a fait sauter au plafond.
    Qui sait que le monde nous veut du bien ?
    Et d’abord c’est quoi pour vous le monde ?

    Je pense que ce genre de conviction n’est qu’une tromperie comme une autruche qui plonge sa tête dans le sable. La réalité est tout autre. Se rassurer en se persuadant que tout est beau et différent qu’il n’y paraît c’est comme prendre un doliprane pour faire passer des maux de tête sans chercher à comprendre l’origine du mal.

    A méditer.

    • Ludivine dit :

      Bonjour Grégory, considérez-vous que vous vivez dans un monde (= sur une planète) qui vous veut du mal, qui ne veut pas de votre présence ? Dans ce cas, pourquoi continuez-vous à vivre ?
      Développez plus votre argumentaire s’il vous plait sur le refus de chercher l’origine du mal ? Où est l’origine du mal selon vous ? Et si il est question de tromper, quelle est la réalité selon vous ?

      • Grégory dit :

        Bonjour Ludivine,

        En effet je considère que « le monde » (= les gens qui peuplent notre planète) ne me veut pas du bien. Je dirais pas ça de ma tendre maman par exemple, je suis pas fou, mais dans une vision plus globale et générale, penser que la seule chose que veulent les autres c’est notre bonheur et notre bien-être c’est juste ne pas être lucide. Ex. ? Le diabète ? Je ne vais pas m’étaler la dessus mais si « le monde » pense à mon bien-être, il évite de me vendre de la merde à manger en me promettant que c’est ce qu’il y a de meilleur pour moi. Contrôle, persuasion, publicité excessive, mensonge,… Tout est bon, du moment qu’on peut vous soutirer un peu de votre argent, on vous promettra Mont & Merveille.

        Je pense que la planète serait d’autant plus belle et vivable si l’être humain n’existait pas. On est le cancer de notre propre planète.

        Pourquoi je continue à vivre ? Parce que j’aime et que je suis aimé, non pas pour « le monde » (qui me veut du bien). Ce n’est pas le monde qui me rend heureux, mais les êtres que je chéri le plus et qui m’aiment vraiment.

        Selon moi, l’origine du mal, c’est nous, l’homme, la femme, nos décisons, nos actes et leurs conséquences… L’idiotie humaine à l’échelle planétaire fait des ravages. Pas besoin de regarder bien loin, ouvrez votre fenêtre, allez en ville, regardez autour de vous…

        La réalité ? Est-ce que ces termes vous parlent ? Individualisme, Pauvreté, Injustice, Chômage, Divorce, etc… Toujours pareil pas besoin de regarder les infos, il suffit de regarder au dehors…

        On m’a souvent fait le discours du verre à moitié plein. Certes, je regarde peut-être le mauvais côté, mais pour moi ce verre n’est pas à moitié plein, mais au 3/4. Il y a évidemment des exceptions, des gens biens, de bonne nouvelles, etc… Mais il n’y a plus d’équilibre.

        Bref, je ne fais qu’argumenter un point de vue, chacun croit ce qu’il veut. On peut débattre des heures, des journées, des mois sur ce genre de sujet, sans jamais comprendre l’autre. Et c’est normal, nous n’avons pas tous le même vécu, la même expérience. Nous n’avons pas tous tirer les mêmes leçons de nos erreurs. C’est ce qui fait la complexité et la richesse de notre genre : la différence.

        Ludivine, si vous souhaitez en parler d’avantage, je suis moi même de Strasbourg et je serais vraiment ravi de pouvoir en discuter avec vous.

        Mais j’aimerai éviter de rentrer d’avantage dans le débat plubliquement et emporter des dizaines, des centaines de personnes dans le débat pour qu’au final plus personne ne sache vraiment de quoi on parle et pourquoi on en parle. Eviter les dérives c’est travailler en petit groupe… Je parle en connaissance de cause.

        Cordialement

  8. teauteau dit :

    Aujourd’hui âgé de 65 ans, je vous conseille de lire les ,environ, trente premières pages du livre « Éloge de la fuite »du neurobiologiste Henri Laborit. Je suis sous traitement depuis trente ans et je pense que si j’avais lu cet essai à l’époque de sa parution en 1976 cela m’aurai évité surement de tomber malade.Il faut éviter de parler à un psy de cet ouvrage, il aura tendance à se refermer sur lui même.

  9. Gaëtan Klein dit :

    Merci pour cet article. Il est vrai que le besoin d’être « vraiment » écouté et entendu est grand chez les personnes souffrant de « maladie » mentale.

    Enfin, il faut faire une différence entre les maladies mentales à cause physiologique (la minorité) et les problèmes psychiques. Dans la majorité des cas, un problème mental est dû à une émotion réprimée, issue de l’enfance et/ou d’un traumatisme.

    Comme vous le dites bien, l’approche médicale classique passe par le traitement du symptôme, ce qui est regrettable bien que compréhensible. Malheureusement, en France, nous avons plutôt tendance à choisir la facilité d’une pilule magique plutôt que d’affronter nos démons intérieurs.

    Alors je ne sais pas si le médecin doit s’improviser thérapeute. Ce n’est pas le même métier à mon sens, mais vous avez déjà la lucidité de voir que la guérison vient de la personne, pas de son médecin/thérapeute.

    Vous dites que « Les leviers de toute maladie mentale et de tout mal-être chez les humains, sont la peur et le vide, les deux évoluant de pair. »
    Je me demande bien ce qui fonde une telle affirmation. Hormis les causes physiologiques, la maladie mentale est plutôt un échec du psychisme à gérer une situation à laquelle il n’est pas préparé.

    Malheureusement on découvre aujourd’hui avec les mémoires prénatales que des problématiques telles que ne pas être désiré par sa mère lorsqu’elle est enceinte peut produire de grave problème chez l’adulte en construction. C’est un peu plus complexe.

  10. Mars Caron dit :

    Merci Ludivine !!!

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